Les questions de forme dans la négociation : une obsession de chaque instant !
Si nous ne montrons pas de la considération pour nos « adversaires », nous allons à la catastrophe avant même d’avoir abordé le fond du problème. On ne nous demande pas de l’aimer, mais simplement de le comprendre et de créer une communication efficace.
« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface » disait Victor Hugo. Dans toute négociation, les questions de forme sont aussi importantes que les questions de fond. C’est peut-être la partie la plus délicate à traiter. Il faut tenir compte de la personnalité du protagoniste, de sa culture, de son histoire, de son expérience des négociations, de la façon dont il comprend les choses.
Nous devons considérer l’individu que nous avons en face de nous comme une personne éminemment respectable, ayant ses caractéristiques propres, son identité, sa formation, ses connaissances, ses manières particulières.
Ainsi, mettre des formes, c’est éviter d’agresser son interlocuteur, de lui faire tout de suite des reproches, même s’ils nous semblent justifié.
Si nous l’attaquons, il risque de se replier sur une position défensive, de perdre ses moyens, de laisser éclater une colère indignée, etc.
Nous avons le droit d’exprimer notre désaccord, mais pas avant d’avoir créé un climat de confiance et de coopération. Sinon, nous mélangeons les personnes et les faits, et nous instaurons un flou. L’autre peut se laisser dominer, ou monter au créneau. Nous risquons dans ce cas de tomber dans ce que Paul Watzlawick appelle «les jeux sans fin».
Si ce reproche est fait en public, notre interlocuteur risque de perdre la face, ce qui est exactement l’inverse de ce que l’on souhaite en matière de négociation.
Mettre les formes, ce n’est pas jouer la comédie, c’est instaurer un climat de confiance et démontrer que la personne que nous avons en face de nous est indispensable pour avancer.
La confiance se gagne difficilement et peut se perdre en un coup. Il vaut mieux, dans un premier temps, négliger les questions de fond et s’occuper des questions de forme pour créer les conditions de relations futures fructueuses.
Enfin, mettre des formes, c’est reconnaître que l’autre peut ressentir et exprimer ce qu’il ressent, sans qu’on le juge pour cela, et que nous pouvons aussi faire de même.
Ce n’est pas dévoiler son jeu, ni attaquer son interlocuteur que de faire part de sa tristesse, de sa colère, de son indignation ou de sa crainte.
C’est au contraire lui montrer qu’on est un homme, avec ses faiblesses et ses humeurs. On peut dire son inquiétude et ne pas céder pour autant sur un point essentiel de la négociation.
François De La Rochefoucauld disait, « Il n’existe qu’une cécité, celle de ne voir que soi-même ». En effet, il est difficile de savoir ce que l’autre pense ou de décoder ce qu’il a bien pu dire. Nous construisons, tout au long de notre histoire, notre réalité du monde. Au cours d’une conversation intense, nous ne livrerons que certains éléments, et omettrons sciemment ou non, ceux qui auraient eu pour notre interlocuteur une extrême importance. Puisque nous ne les avons pas mentionnés, il ne peut pas les connaître. Il les apprendra peut-être plus tard, et il aura pris entre temps, des décisions qui nous aurons heurté.
C’est pourquoi, nous devons accorder un soin particulier à l’écoute, et au questionnement aussi poussé qu’il est possible, sans froisser notre interlocuteur. Méfions-nous de nos propres projections : n’attribuons pas des intentions à notre adversaire qui ne sont peut-être que le fruit de notre imagination.
Une négociation n’est pas une bataille d’experts, dans laquelle on s’assènerait des vérités et des contre-vérités. C’est plutôt l’affrontement de deux logiques subjectives, de deux réalités, de deux imaginaires, de deux visions du monde.
Ainsi, j’ai tout intérêt à saisir le mieux possible la réalité de mon adversaire, en consacrant le temps qu’il faudra. Une négociation réussie est avant tout la construction, pour chacune des parties, d’une réalité que l’on peut partager, comprendre, admettre, voire respecter.
En discutant avec l’autre, j’affine moi aussi la perception de ma réalité. Elle devient plus claire, légitime, transmissible à mon adversaire. La réalité d’un individu, c’est ce qui est intéressant pour lui, c’est ce qui représente son intérêt. C’est ce qu’il faut chercher à définir, à connaître ou à découvrir. Si les négociateurs ne reconnaissent pas un minimum de données objectives sur lesquelles ils s’appuieront pour avancer, la négociation ne pourra aboutir.