Management participatif : vaincre les résistances au changement pour préparer sa V2020 !

Dans cette époque ou les équipes sembles épuisées, évoquer le changement appelle la résistance en vertu du principe d’action-réaction qui parfois prend la forme d’un principe de contestation : « vous voulez que je fasse cela, donc je ferai le contraire ».

Nos rencontres quotidiennes depuis près de 20 ans avec les cellules qualité des établissements nous amènent à constater que souvent tout se passe comme si les équipes avaient souscrit un « contrat psychologique tacite » qui leur permettrait de dire à la direction : « vous avez fait de nous des exécutants, nous obéissons donc sans chercher à comprendre le pourquoi des décisions, mais en échange nous exigeons de rester libre, c’est à dire de ne pas être engagés psychologiquement dans la marche des opérations » explique Michel Crozier.

L’idée du changement doit se vendre, car souvent l’établissement néglige de « préparer le terrain » et fait preuve d’un optimisme excessif quant au temps requis. Or, cette nouvelle certification V2020 va en surprendre plus d’un quant à son niveau d’exigence en termes de résultat sur la prise en charge des patients.

En effet, l’organisation oublie souvent les préalables nécessaires à la transition :

  • Vérifier qu’il existe une vision stratégique forte et bien vivante dont toutes les personnes ont conscience et pas uniquement le dirigeant,
  • Développer un capital confiance à la hauteur,
  • Et enfin s’assurer que le leader incarne le nouvel esprit et les nouveaux comportements que l’on veut promouvoir.

Est avant tout nécessaire un meneur en qui les gens ont confiance. Certains chef d’établissement redoutent ce chemin vers le partage du pouvoir et l’autonomie accrue des équipes. Ils pensent « qu’il est encore trop tôt » ou préfèrent attendre que le niveau de compétence des personnes soit plus élevé. Ils semblent ignorer que la maturité ne vient pas d’elle-même, mais qu’elle est la conséquence d’une plus grande responsabilisation.

Pour passer de la « pyramide » à la logique de « réseau », il faut franchir autant de stades différents que dans le passage de la royauté à la démocratie. Une forme de « perestroïka » en somme.

Une étude américaine d’Everett Rogers   montre que l’assimilation d’une nouveauté est particulièrement lente et se traduit en moyenne par la courbe suivante :

  • 2,5 % d’innovateurs au départ
  • 13,5 % d’adaptateurs précoces
  • 34 % majorité précoce
  • 34 % majorité tardive
  • 16 % retardataires

Quels réflexes de défenses sont utilisés dans la résistance au changement ?

Ces périodes de mutations ne manquent pas de déclencher des mécanismes individuels de défense que tous, y compris les dirigeants mettront en mouvement sous l’effet d’une trop grande pression émotionnelle pouvant être teintée d’anxiété. Ces réflexes sont au nombre de quatre :

  1. Le principal est le « déni du problème ». L’individu ne voit ni le problème, ni sa responsabilité dans le problème.
  2. Dans un autre registre, la « rationalisation » à outrance appelle des justifications sans fin sur ce qui s’est passé et sur les raisons pour lesquelles on n’y est pour rien.
  3. Le troisième réflexe plus inquiétant par ses interactions avec autrui est le mécanisme de la « projection ». Ne sachant pas gérer son agressivité ou sa peur, l’individu la projette sur autrui. La projection consiste à prendre ce que l’on a à l’intérieur de soi et le lancer sur quelqu’un qui n’a rien à voir avec cette histoire. Il faut apprendre à faire la part des choses dans les périodes tendues par l’incertitude, pour discerner dans le message que nous envoie un interlocuteur ce qui est une projection et relevant de son histoire personnelle à laquelle nous n’avons rien à voir, et ce qui est juste parce qu’il a su voir en nous et souligner l’une de nos insuffisances.
  4. Enfin la « mémoire sélective » qui est l’art qu’à toute personne de ne retenir que ce qui l’arrange, et de réécrire l’histoire sur cette base tronquée. Ainsi, chacun peut retenir exclusivement ce qui lui plait ou lui déplait, vouloir surprotéger cette personne (et tous les éléments la concernant seront roses) ou au contraire vouloir l’écraser. Cette sélectivité biaisée est un grand facteur de perturbation. Un soupçon de stress dans l’établissement, quelques évènements interprétés avec distorsion, et se développe une paranoïa générale. Là aussi, le manager devra intervenir pour ne pas laisser les fauteurs de troubles diffuser leur version personnelle et extravagante des évènements.

Dans les périodes de transition ou abondent les problèmes humains, il est primordial de s’ancrer dans le réel et dans le réel seulement. Nous avons tous la même tendance à ne voir que ce que l’on veut voir.

Origines des résistances

Du point de vue de Kurt Lewin on peut estimer qu’il est plus « économique » et plus efficace de chercher à réduire l’intensité des forces qui s’opposent à la modification des normes du groupe, plutôt que d’exercer contre ces forces une pression croissante qui sera peut- être très coûteuse, ou psychologiquement indésirable.

Certaines causes sont en rapport avec la « collectivité » à l’intérieur de laquelle on souhaite instaurer des changements. Le caractère plus ou moins imposé de ces changements par l’autorité responsable, implique que ceux-ci ne tiennent aucun compte de l’expérience préalable acquise par les intéressés, dénie à ceux-ci toute possibilité de remarque ou de suggestion, à fortiori évite de les consulter préalablement à toute application, et tend à les considérer comme quantités négligeables.

D’autres causes ont trait aux individus eux-mêmes :

  • D’une part, l’inertie inhérente à la nature de chaque individu le pousse à hésiter devant la nécessité d’un effort de transformation, qu’il s’agisse de ses propres connaissances, de ses vieilles habitudes ou même de ses méthodes : « Cela allait bien jusqu’ici, il n’y a pas de raison de changer ».
  • D’autre part, l’anxiété engendrée par la perspective du changement entraîne chez l’individu une réaction d’opposition : sera-t-il à la hauteur de la nouvelle tâche ? Ses habitudes acquises ne contrarieront-elles pas l’apprentissage de nouveaux processus opératoires ? Ne risque-t-il pas de ce fait une perte de prestige ou une diminution de son statut ?
  • D’autres encore dépendent de l’interaction dans le groupe car la pression du groupe s’exerce vers l’uniformisation des performances individuelles. En outre, il existe chez chacun une tendance à éviter de se désolidariser de la norme admise par le groupe.

Nous comprenons donc que les contraintes, librement débattues, puis acceptées par une équipe de travail en vue de réaliser un projet, sont moins frustrantes pour les participants, que celles qui seraient imposées sans possibilité de discussion préalable. Voilà pourquoi un changement stable des normes d’un groupe, exige la recherche et la détermination d’un nouveau consensus. Sans ce préalable, la dynamique nécessaire au partage des valeurs de la V2020 risque d’être plus difficile pour certaines structures.

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