Comment piloter les démarches participatives pour que le management par la qualité fonctionne vraiment ?

Dans les établissements qui ont su l’utiliser, ce canal a permis de faire émerger tout un potentiel inemployé de créativité, particulièrement aux échelons les plus bas. Dernier venu dans la régulation sociale, le canal participatif est sans doute celui qui suscite encore aujourd’hui le plus d’interrogations.

Des agents jusqu’alors passifs et « routinisés » se sont soudain trouvés mis en situation d’acteurs, ce qui a eu bien sûr des conséquences importantes sur le plan social.

Conséquences positives mais aussi négatives car les autres acteurs du jeu (encadrants, spécialistes, fonctionnels, délégués et syndicalistes) ne voient pas forcément toujours d’un bon œil l’arrivée d’un nouveau membre…

Au-delà de cette déstabilisation provisoire nous avons à nous interroger sur le bon usage qui peut être fait du canal participatif, ce qui suppose de connaître d’abord sa structure pour être à même de l’améliorer.

La structure du management participatif 

Dans le vocabulaire managérial, pourtant souvent imprécis et flottant, il est peu de qualificatifs aussi flous que celui de « participatif ».

Le mot recouvre des réalités bien différentes. Le risque de confusion est grand, aussi il convient de préciser ce qui relève réellement du canal participatif. Pour qu’une pratique de gestion puisse être rangée dans le canal participatif, il faut qu’elle soit en rupture avec le modèle traditionnel au moins à deux niveaux :

  1. Le niveau de l’organisation : on passe d’une organisation cloisonnée, pyramidale, verticale, à une organisation ouverte, c’est à dire, commençant à fonctionner en réseau sur le plan horizontal ou transversal. Provisoirement, dans un groupe de travail, ou plus durablement dans une équipe de projet, l’organisation traditionnelle se disloque et se recompose sur d’autres bases.
  2. Le niveau du fonctionnement : le commandement hiérarchique directif ou autoritaire, incarné par la personne du « chef », cède pour un temps la place à un fonctionnement plus démocratique, où est favorisée et recherchée la négociation entre acteurs. Double rupture donc, qui va induire ou supposer d’autres ruptures par exemple d’ordre culturel : le chef n’est pas celui qui sait et qui décide seul, les subordonnés ont des idées qui méritent d’être examinées, le changement négocié « passe mieux » que le changement imposé, etc.

Quelle utilisation du management participatif dans la régulation sociale ?

Les pratiques participatives font émerger de nouveaux acteurs, même si elles ne sont pas d’abord mises en place pour cela mais pour récupérer « l’intelligence de base ».

Ils sont pour l’essentiel:

  • Les pilotes et copilotes de processus/thématiques,
  • Les animateurs des groupes de travail,
  • Les membres des groupes participatifs souvent choisis sur une double base de cooptation et de volontariat,
  • Les chefs de projets,
  • Les membres des comités de pilotages,
  • Les initiateurs de ces démarches (RAQ, gestionnaire des risques, DRH, Direction qualité, Direction des soins, Président de CME, etc.).

 

Dans la plupart des cas, ces professionnels sont des acteurs du fonctionnement « habituel » de l’établissent :

  • Tel cadre, manager de son équipe sera animateur de groupe, tel chef de service siègera au comité de pilotage.
  • Tel ou tel employé sera un membre actif de groupe de travail.

 

Mais les acteurs du canal participatif possèdent aussi leurs enjeux privés :

  • Désir de reconnaissance,
  • Souci d’efficacité,
  • Motivations humanistes,
  • Difficultés à vivre dans un système traditionnel,
  • Ambition ou carriérisme.

 

C’est à ce titre qu’ils vont finir par constituer tous ensemble un canal participatif structuré, cohérent, disposant d’une réelle capacité d’influence sur le système social et dont la mise en mouvement dans une perspective de régulation sociale ne peut laisser la direction indifférente.

Bien sûr, une direction peut mettre en place une participation « poudre aux yeux » : il faut « faire participer » comme on l’entend dire quelques fois. Ce simulacre ne mène pas très loin.

Rapidement convaincus de l’inanité de leur contribution, soupçonnant une manipulation subtile, les professionnels s’en désintéresseront très vite.

Cependant le phénomène participatif connaît une telle ampleur et une telle généralisation, malgré de nombreux échecs et enlisements, que l’on pense qu’il n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement de l’établissement en général, et sur son mode de régulation sociale en particulier.

Pour une direction le problème va être alors par une forme d’institutionnalisation officialisant les acteurs, leur jeu interactif, leurs ressources et leurs zones d’influences, d’insérer cette régulation autonome à l’intérieur même de la régulation de contrôle.

 

En effet les pratiques participatives se traduisant pour les salariés concernés :

  • Par la prise de conscience des choses qu’ils ont à dire.
  • Par le fait de pouvoir les exprimer.
  • Par la découverte personnelle et collective du rôle qu’ils peuvent jouer, non plus en tant que simples exécutants, mais en tant qu’acteurs prenant part à l’organisation de leurs conditions quotidiennes de travail.

 

A terme, deux types de changements se produisent dans le fonctionnement de l’organisation et le jeu des acteurs :

  • Des changements factuels : ils sont immédiatement observables et perceptibles, quelques fois
    C’est la partie émergée de l’iceberg, avec la manifestation apparente d’autres changements survenus plus en profondeur.
  • Des changements culturels : ils ont trait aux modifications des normes et valeurs qui sous-tendent le comportement des groupes et des individus dans l’entreprise. Il s’agit du niveau le plus souterrain, le plus difficile à observer et à maîtriser, mais sans doute celui qui s’inscrit le plus dans un processus durable et donc déterminant pour l’avenir. Il s’agit en fait de créer une synergie entre les différents canaux :
    • Représentatif-participatif : les représentants du personnel deviennent diffuseurs et stimulateurs des démarches participatives.
    • Médiatique-participatif : les groupes expérimentaux se sentent soutenus et valorisés par la diffusion de leurs résultats.
    • Participatif-encadrement : le coordonnateur redonne à une hiérarchie qui risquait la marginalisation l’occasion d’affirmer un leadership « compétentiel » reconnu de tous.

 

Il faut surtout atteindre l’irréversibilité du processus. Le management « de » et « par » la qualité dérange parce qu’à l’attribution de territoires, de droits, de responsabilités étroites, il substitue la serviabilité, le sens du service rendu au client interne ou externe. Le client est au sommet de chaque organigramme. Il dérange parce qu’au flou des relations (dans certains cas) et aux frontières fermées (dans les autres cas), il substitue la clarté d’une négociation et d’un compromis formalisé auquel il faut se conformer sans dérogations, sauf à nouvelles négociations.

Il dérange parce qu’il est global, exhaustif, la qualité étant l’objectif de toutes les fonctions, tous les niveaux, tous les individus. Il dérange parce qu’à la satisfaction que chacun a de faire assez bien ou de son mieux, il substitue « l’ardente obligation de toujours mieux faire, l’excellence étant un horizon qui recule » comme le défini Hervé Serieyx.

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