Démotivation et conflit de motivation : la gangrène des démarches qualité !

Comment déjouer ce piège sournois, alors que vous avez mis toute votre énergie pour fédérer vos équipes en vue de votre prochaine certification HAS ?

La motivation est souvent confondue avec l’implication ou la satisfaction au travail. En revanche la démotivation semble facile à cerner. Elle n’est pourtant pas un concept aussi clair qu’il y paraît à première vue. C’est une sorte de syndrome général qui contaminerait progressivement l’ensemble de la relation au travail car il touche à un noyau central que l’on peut appeler l’intérêt/plaisir au travail, et à partir de là, se détérioreront non seulement la performance du professionnel, mais aussi son épanouissement personnel.

La démotivation est en fin de compte perçue tout à la fois comme l’envers de l’implication, de la satisfaction et de la motivation. Pendant longtemps les principaux signes de ce fléau dans les établissements étaient le turn-over et l’absentéisme.

Ainsi, le présentéisme contemplatif caractérise ceux qui n’osent plus quitter leur emploi par crainte de perdre leurs acquis, mais attendent que ça se passe et organisent leur passivité au mieux. Ces comportements sont d’autant plus néfastes qu’ils déclenchent une sorte de chantage sur ceux qui voudraient travailler. Les normes du groupe passif s’imposent de manière à rejeter ceux qui s’y opposent par un comportement impliqué.

D’une manière générale, c’est par une baisse de la qualité et de la quantité de travail que la démotivation se manifeste. On ralentit ses gestes, on diminue son attention, on rallonge les pauses, on développe le laisser aller, que ce soit à propos de la propreté, de la sécurité, de l’ordre, du contrôle, des consignes ou des dérobades face aux responsabilités.

En fait dans beaucoup d’établissements, l’encadrement en vient rapidement à parler de la démotivation. La fréquence de ce thème est peut-être tout autant révélatrice de la réalité des difficultés de l’encadrement à remplir ce rôle d’animation, que l’organisation lui demande. La démotivation est peut-être en partie l’alibi que se donne un encadrement qui ne parvient pas à s’adapter à une nouvelle forme de management.

Il est intéressant de constater que la démotivation est rarement analysée comme un trouble psychologique. Elle est plus souvent décrite comme un comportement quasi-volontaire qui serait une forme larvée d’opposition au travail.

Le professionnel démotivé n’a rien à gagner par sa démotivation, si ce n’est parfois la cohésion de son équipe de travail, ce qui en dit long sur les besoins d’identité collective. Si un groupe utilise la démotivation comme facteur de cohésion, c’est que ses marges de manœuvre en termes de lutte de pouvoir sont bien faibles, et que la seule façon qu’il a d’exister et d’être reconnu, c’est de refuser toute participation.

En fait, la démotivation ne se définit pas seulement comme une carence mais beaucoup plus comme un processus destructeur dans le champ de la relation homme-travail.

De la démotivation douce à la démotivation dure : Comment lutter contre ce fléau ?

La démotivation, comme toute maladie évolutive, passe par des degrés différents qui déclencheront des comportements différents. Suivant le « degré d’atteinte », on observera des conséquences plus ou moins grandes pour l’individu et pour l’organisation. Les trois degrés sont les suivants : « la démotivation douce, la démotivation censure et la démotivation dure ».

  • La démotivation douce :

Le point de départ de ce processus est le sentiment de non-reconnaissance de l’organisation pour l’individu : « quoi que je dise, quoi que je décide on n’en tient pas compte ». L’agressivité qui s’exprimera se fera de manière détournée car il n’y a pas eu abus de pouvoir, il y a eu « contradiction de pouvoir » et non-reconnaissance du professionnel au travers de cela.

La reconnaissance n’a jamais fait partie d’un contrat de travail. Par contre, l’agressivité engendrée par la non-reconnaissance va déclencher des comportements de défense, soit sur un mode actif, ce qui a l’avantage d’apporter de la reconnaissance (revendication, syndicalisme, opposition), soit sur un mode passif. C’est ce que l’on appellera la « démotivation douce ». Douce parce que la relation au travail se détériore sans provoquer trop de dommage au niveau de l’individu qui peut trouver d’autres échappatoires pour vivre son potentiel motivationnel.

Si ce mécanisme de négation se généralise ou continue trop longtemps, on peut alors voir un autre type de conséquence se développer : le sentiment de non-reconnaissance s’intériorise, s’introjecte, pour reprendre le vocabulaire de la psychanalyse. La démotivation jouant un rôle de censure intérieure par rapport à toute initiative ou idée personnelle.

  • La démotivation censure :

Au deuxième stade, le processus de choix est atteint en lui-même. Le professionnel se sent incapable d’affirmer un choix, et on le mettrait dans le plus grand embarras en lui demandant son avis.

En fait, il est persuadé que son avis n’a aucun intérêt pour « ceux qui savent faire ». Il n’arrive plus à décoder, à choisir, car toute son histoire professionnelle lui dit que ses choix ont été erronés : la meilleure preuve étant que l’organisation n’en tient jamais compte. Comment s’étonner dès lors qu’il ne puisse pas gérer sa propre motivation. Ce type de mécanisme conduit à la « démotivation censure » qui est sans révolte et sans drame apparent mais qui bloque les velléités de mise en mouvement autonome.

Face à cette démotivation ou la censure est intériorisée, toute action de motivation proposée par l’établissement restera relativement inopérante, à moins qu’elle ne s’attèle aux vraies causes : les processus de reconnaissance des choix des professionnels et leur niveau d’estime d’eux même.

A ce degré de démotivation, le salarié ne revendique pas mais il voit vraiment mal pourquoi il s’engagerait dans la relation de travail puisqu’elle ne fait que lui confirmer l’image négative qu’il a de lui-même.

La démotivation censure est à la charnière entre la démotivation douce et la démotivation dure, car c’est elle qui mène de la perte de reconnaissance à la perte de sens.

  • La démotivation dure :

C’est l’intériorisation de cette perte de sens qui aggrave les effets de la démotivation, et qui explique les comportements passifs et négatifs que l’on observe dans certains établissements. A partir du moment où l’image de soi est perturbée, on voit mal comment il peut laisser s’exprimer une motivation quelconque pour son travail.

On le comprend, la démotivation dure est la conséquence des deux premières. A ce niveau il ne s’agit plus de doute sur sa capacité de choisir, mais de négation de l’intérêt qu’il peut y avoir à choisir. La démotivation dure n’est pas vécue dans l’angoisse mais simplement dans le détachement, qui est la meilleure garantie contre la souffrance. Cette démotivation entraîne un comportement totalement déconnecté des exigences de l’emploi et de l’établissement.

Elle est l’inverse de la motivation-identification. La perte de sens fait que le professionnel fonctionne comme un robot, sans aucune attente personnelle par rapport à son travail. Cela ne l’empêche pas de bien faire son travail, pour autant qu’on ne lui demande aucune initiative ou conviction.

La plupart du temps, et entre autres dans les structures qui ont des problèmes de motivation, le système de prise de décision démontre que l’établissement attend de ses professionnels de la conformité et de l’obéissance, mais pas de la motivation, alors que les managers ne cessent de chercher comment lutter contre ce fléau qu’est la démotivation surtout dans le cadre d’une démarche d’assurance qualité…

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