Comment déjouer le piège sournois de la démotivation ?

Cultiver le capital confiance de ses équipes est la condition sine qua non pour préparer la certification HAS de son établissement ! Les valeurs de la structure se voient toujours mieux dans les moyens qu’elle utilise que dans les discours qu’elle affiche. Il n’y a pas de motivation individuelle et collective aujourd’hui sans un sentiment fort de cohérence dans l’établissement. Nous avons évoqué dans un précèdent article les méfaits de la démotivation, aussi la première tâche consistera à créer un système cohérent au service des professionnels, aussi bien qu’au bénéfice de la performance si l’on souhaite des équipes impliqués dans le démarche qualité institutionnelle.

Relève de cette même exigence de cohérence la conception des relations hiérarchiques :

  • Responsabilise-t-on ou non ?
  • Donne-t-on le droit à l’erreur ?
  • Le supérieur a-t-il toujours raison ?
  • Le type de structure mis en place laisse-t-il de l’autonomie ou est-il principalement fondé sur le contrôle ?
  • Traite-t-il les personnes en adultes ?
  • Valorise-t-il la fluidité de l’information, la transparence ?
  • Réfléchit-on aux talents inexploités dont on dispose ?
  • Favorise-t-on la rotation des postes, la mobilité des personnes, le coaching entre anciens et nouveaux ?

 

L’idéal est d’aligner autant que possible l’ensemble des méthodes internes d’organisation, de promotion et d’animation des hommes sur quelques principes simples, reconnus comme les plus motivants :

  • Une vision partagée,
  • Une communication de qualité,
  • Un respect de chaque personne et de sa contribution,
  • Des règles du jeu cooptées et explicites,
  • Un système d’arbitrage juste et transparent.

Développer une cohérence 

 « La confiance a besoin du respect pour s’installer : le respect c’est sa mémoire, la reconnaissance de l’esprit de l’autre, de sa capacité à coopérer. Trop souvent dans les structures le respect d’une personne grandit avec son importance hiérarchique. Pour que la confiance s’installe vraiment dans toute l’entreprise, il faut donc changer de perspective et respecter chacun pour ce qu’il est avant de le respecter pour ce qu’il fait, pour la fonction qu’il représente » affirme Jacques Chaise.

Cette mise en cohérence représente un enjeu de taille car elle permet de développer un solide capital confiance entre les responsables et leurs équipes.

Si le manager n’a pas le pouvoir d’agir sur le recrutement, les salariés, ou la promotion de son établissement parce que tout cela est géré à un échelon plus élevé, en revanche il peut souvent intervenir sur l’organisation des personnes, sur un travail ou un projet, la diminution du syndrome de chef, la simplicité de la communication et le respect effectif des personnes.

Le capital confiance se créé sur la durée et ne s’improvise pas à quelques semaines d’une grande transition. Trop souvent les responsables s’engagent dans des projets ambitieux, sans avoir cultivé au cours des années précédentes un capital confiance de la même ampleur que les défis auxquels ils s’attaquent. On s’étonne alors que les projets ne réussissent pas.

Le capital confiance se nourrit de valeurs sûres :

  • L’authenticité des dirigeants,
  • Le respect qu’ils manifestent pour les personnes,
  • Leur capacité de lire les évènements et de reconnaître leurs erreurs,
  • Leur motivation intrinsèque,
  • La vision qu’ils incarnent,
  • L’information permanente des équipes,
  • L’exemplarité,
  • La transparence,
  • L’ouverture à la contradiction,
  • Le respect des idées de ceux qui ne pensent pas comme eux,
  • La capacité de s’intéresser à chaque personne.

Pour parfaire sa connaissance des mécanismes de la motivation, il faut aussi intégrer les différents « postulats de l’interactionnisme ». Cette complexité de la relation sociale à base de conflit/coopération va être théorisée par son promoteur en France, Michel Crozier. Le collaborateur ne travaille pas pour « l’amour » de l’entreprise, ni de par son inféodation à un leader même charismatique.

En échange de sa subordination, il contracte explicitement ou non un engagement, ou il prend en compte uniquement son intérêt. Suivant la situation, les ressources dont il dispose, il sera incité à coopérer ou à s’opposer.

Sous le nom « d’analyse stratégique par acteur », le modèle repose sur trois postulats d’après Philippe Bernoux :

  1. Les hommes n’acceptent jamais d’être traités comme des moyens au service des buts que les dirigeants fixent à l’établissement. Chacun a ses objectifs, ses buts propres. Ceux-ci ne sont pas forcément opposés à ceux des dirigeants même s’ils peuvent l’être. Simplement, ils sont propres à chacun des acteurs, chacun poursuit ses propres objectifs, et la structure vit avec cette multiplicité.
  2. Dans une organisation, tout acteur garde une possibilité de jeu autonome qu’il utilise toujours plus ou moins. On ne peut comprendre le fonctionnement réel d’un établissement sans prendre en compte cette réalité de liberté, certes relative mais réelle de l’acteur. Les libertés des uns et des autres se combinent dans des jeux de pouvoirs.
  3. Dans ces jeux de pouvoir, les stratégies sont toujours rationnelles, mais d’une rationalité limitée.
    Aucun acteur n’a les moyens de trouver la solution la plus rationnelle possible. Il s’arrête à celle qui le satisfait momentanément le moins mal.

La formation des managers à l’analyse du comportement

Ce qui importe au final est de savoir-faire, pour un professionnel donné et dans des circonstances données, le bon diagnostic sur ce qui le motive. On retrouve à nouveau l’importance du manager de proximité, le seul qui soit en mesure de connaître assez son collaborateur pour faire cette analyse. Mais le manager peut-il être laissé à lui-même dans cette recherche ?
Livrés à ce qu’ils pensent être du bon sens, beaucoup de managers risquent d’aborder le problème dans une optique Pavlovienne : trouver le stimulus (rémunération, intéressement, promotion) qui permettra d’obtenir la réaction appropriée. Une telle démarche présente un caractère réducteur évident.

Motiver au sein d’une organisation, exige de considérer le processus dans son ensemble, avec ses interdépendances et ses effets paradoxaux. Et c’est en cela que le passage par un modèle qui ne craint pas d’affronter la complexité peut s’avérer utile, même si au final le problème se ramène à un travail d’artisan, traitant en sur mesure une série de cas singuliers.

La motivation se construit, et pour cela il faut être soi-même motivé. Si le manager ne trouve pas cette résonance, il pourra être un bon gestionnaire, un bon visionnaire, financier ou stratège mais pas un bon « motivateur ». Pour cela, il lui faudra cultiver soigneusement son contact avec sa propre motivation profonde, car c’est bien en trouvant  son sens qu’il donnera du sens.

Le rôle de manager-motivateur ne s’improvise pas. Il demande un tel investissement personnel qu’il vaut mieux le confier à ceux qui, par philosophie ou par tempérament, aiment s’occuper des autres, les écouter, les faire évoluer.

Le meilleur manager sera toujours celui qui trouve sa récompense dans ce qu’il accomplit avec son équipe, et se réjouit de voir ses collaborateurs grandir, apprendre, devenir chaque jour davantage les personnes qu’ils pourraient être.

La détermination servie par les pouvoirs dont disposent les dirigeants, permettra de gommer progressivement les résistances. On peut ainsi espérer convaincre les équipes du bien fondé d’un investissement dans le démarche qualité, malgré le sentiment souvent justifié d’être débordé.

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