Gestion et prévention des conflits dans les établissements de santé !

Comment en arrive-t-on là ? Alors que les professionnels de santé mentale, les services d’urgences sont en grèves, nous vous proposons d’approfondir les mécanismes qui mènent de la crise au conflit…

Les réflexions qui suivent peuvent tout à fait s’adapter au niveau d’un établissement ou d’un service.

Le mot crise vient du grec krisis, décision. Le verbe grec krinein signifie séparer, choisir, décider, juger.

Le mot conflit a deux acceptations :

  • La première vient du latin conflictus qui signifie choc. C’est la lutte, le combat.
  • La deuxième acceptation signifie la rencontre de sentiments ou d’intérêts contraires qui s’opposent.

Une période de crise signifie généralement une aggravation dans l’évolution des évènements, des choses et des idées, parce que l’état antérieur n’est plus adapté à la nouvelle situation. Ainsi, par définition, une crise appelle une série de décisions, d’actions destinées à la résoudre.

L’instant de la crise est un moment d’incertitude. Personne n’est en mesure de savoir si elle va aboutir à un conflit, si elle débouchera sur une régression, ou si un nouvel équilibre favorable résultera d’une bonne décision. La crise est un signal qui prévient qu’un déséquilibre commence à se produire.

La crise, si elle doit être considérée comme l’inverse d’un changement volontaire, s’achèvera quoi qu’il en soit, par un changement. En effet, la crise dépeint une situation en perte de sens, et menace de rupture toute structure ou organisation. Lorsque chaque partie ne peut décider d’une bonne solution pour réduire ou supprimer les différends, le conflit ouvert menace.

Une crise débouche nécessairement sur une régression, sur une évolution ou sur un conflit :

  • La régression signifie le retour à un état antérieur avec des pertes diverses : perte de statut, perte de responsabilité, perte d’avantage…
  • L’évolution est accompagnée d’un accroissement de statut, de rémunération, d’intérêt dans le travail, de reconnaissance, d’opportunité nouvelle…
  • Le conflit, lorsque les protagonistes choisissent de s’y engager, c’est qu’ils estiment nécessaire de créer un nouveau rapport de force, ou du moins de l’accentuer. Quand les parties adverses ne peuvent plus s’entendre, qu’elles sont prêtes à user de nouvelles méthodes pour se faire entendre ou comprendre. Quand les individus ou les groupes qui étaient en crise ne sont plus disposés à faire des efforts pour paraître complaisants ou courtois, le temps des politesses et des civilités est révolu, et les masques tombent.

Les conflits deviennent surtout régressifs lorsque les protagonistes perdent de vue l’enjeu pour se crisper sur des questions de personnes, et sur des positions.

Les conflits réalistes et irréalistes

Un conflit réaliste est un moyen comme un autre d’atteindre les buts que l’on se fixe. Si un individu ou un groupe peut satisfaire ses revendications ou ses intérêts par un autre moyen il le fera d’autant plus volontiers qu’il en craint les conséquences négatives.

Un conflit irréaliste est la libération d’une tension qui se manifeste par divers comportements violents. L’agression n’est qu’une fin en soi, et l’objet du conflit quel qu’il soit, n’en est que le prétexte.

Dans la réalité, les conflits s’accompagnent souvent de sentiments irréalistes qui n’ont pas de liens directs avec l’objet du conflit. Une sorte d’escalade affective prend une proportion exagérée par rapport aux enjeux avoués. Ces sentiments, pour la plupart négatifs, sont le plus souvent hérités de situations antérieures désagréables. Les protagonistes jugent qu’ils ont été lésés, à juste titre ou non, et le conflit, même s’il parait justifier, peut se colorer de sentiments et de ressentiments qui peuvent nuire à la clarté des débats.

Ils résultent de conflits antérieurs qui n’ont pu être résolus auparavant et qui sont mobilisés, par conversion, dans le conflit actuel.

L’éclatement du conflit

Un conflit dans un établissement peut naître et s’amplifier à partir d’un simple désaccord. Si celui-ci n’est pas traité, il peut conduire à un rapport de force qui mine tout esprit de collaboration.

Il y a presque toujours une crise larvée ou déclarée, et donc une tension plus ou moins forte entre les protagonistes. Le climat de confiance se dégrade progressivement. Des valeurs comme le respect sont ébranlées, mais aussi la responsabilité.

Ainsi, un conflit éclate lorsque les forces en présence ne voient plus de possibilité de dialoguer, de s’entendre, de communiquer. Chaque partie perçoit que ses intérêts sont spoliés ou menacés, et elle estime qu’elle a le droit avec elle.

Les rapports de force deviennent des prises de position antagonistes, ou chacun se cantonne derrière ses remparts. Les défenses se fortifient, la méfiance empêche toute communication sur un pied d’égalité.

Le choc est imminent. Avant que le conflit n’éclate ouvertement, la tension peut s’accompagner de comportements dévalorisants, dégradants, et de menaces pour intimider l’autre. C’est l’aspect affectif de la guerre de position qui envenime à coup sur la situation. Cette attitude, qui consiste à abaisser l’autre ne peut aboutir qu’à l’exaspération des « adversaires ».

C’est particulièrement dans ces situations de tensions et de crise que les conflits naissent de manière impulsive, par un clash, par quelques mots de trop ou par des décisions injustes et délibérément provocantes.

D’autres conflits sont sciemment organisés pour parvenir à une fin programmée. Ce peut être le cas d’un service qui cherche à en déstabiliser un autre pour obtenir plus de pouvoir ou des responsabilités supplémentaires. Ce peut être le cas d’un syndicat qui, sentant le mécontentement monter, pense que la période est stratégiquement favorable à un mouvement social, et qui s’appuie sur un élément déclencheur pour le généraliser à l’établissement. Le conflit bouleverse tout, et peut remettre en cause ce qui existe. C’est la masse qui essaie de briser la porte, alors qu’une simple clé aurait suffi à l’ouvrir.

 

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