Communiquer et gérer les conflits !

La communication baigne nos relations de travail en permanence. Elle est de ce fait au cœur de toutes les situations, y compris au cœur des situations qui peuvent engendrer des conflits, ou directement au cœur de situations conflictuelles déjà déclarées…

S’il ne s’agit pas de faire ici l’apologie de la manipulation, nous examineront certaines techniques qui sont sensées rendre plus efficace la communication, notamment quand il est nécessaire de convaincre des partenaires ou bien des adversaires.

En effet certaines techniques de persuasion ou de réfutation d’arguments peu « orthodoxes » peuvent nous causer du tort si nous ne savons ni les reconnaître ni les parer.

Être persuasif et argumenter

La manière dont nous sélectionnons les informations utiles pour nous former un jugement ou une opinion n’est ni neutre, ni objective. Nous percevons, nous recherchons, et nous validons généralement les informations dites consonantes, et nous ignorons, invalidons et rejetons celles qui sont dissonantes.

Les informations consonantes ne remettent pas en cause nos valeurs, nos opinions, notre manière de percevoir la réalité. Par contre celles qui sont dissonantes nous irritent. D’une façon générale, et cela vaut dans toute discussion (concertation, négociation…), les individus ont tendance à renforcer leur système d’opinion ou leur système de valeurs en recherchant sélectivement des informations consonantes. Ainsi ils stabilisent ces systèmes d’opinions ou de valeurs. Ils n’accordent crédit qu’aux informations qui peuvent accroître cette stabilité ou du moins, ne pas la menacer.

La stabilité de ce système de penser est une force d’inertie considérable qui peut compromettre tout effort de rapprochement entre adversaires. Ceux-ci doivent la reconnaître, chez eux-mêmes puis chez ceux d’en face, puis la vaincre pour ne pas camper sur des positions figées. Parfois les informations dissonantes sont sciemment utilisées comme un procédé d’argumentation.

Les orateurs y ont recours pour mieux asseoir leur argumentation en les réfutant. Pour pouvoir discuter de l’argumentation, voyons d’abord ce qu’est un argument. Il consiste en un raisonnement plus ou moins élaboré destiné à convaincre un interlocuteur. Dans le mot « convaincre », on trouve l’idée de lui faire intégrer une opinion ou de le faire changer d’opinion, de l’engager dans une action ou de modifier cette action.

 

Quelles sont ces catégories d’arguments :

  • L’argumentation liée à la cause. Un des outils les plus forts et les plus couramment utilisés consiste à détecter et à mettre en avant la cause d’un fait ou d’un événement. Par exemple : le produit n’a pas été livré à temps parce que le planning n’avait pas intégré le pont du 1er
  • La description ou la définition d’une situation. Elle est souvent considérée comme étant du niveau de l’information objective. En fait, c’est un argument très habile qui ne dit pas son nom car, sous couvert d’informer, on procède à un cadrage partiel de la situation, on l’oriente selon son propre point de vue. Ensuite, ce qu’il y aura lieu de faire découle logiquement de cette description ou de cette définition.
  • L’argument portant sur l’efficacité. Notre époque est toute entière portée vers l’atteinte de résultats. Dans cette perspective, prendre une décision s’appuyant sur tous les effets positifs ou négatifs d’une action est un procédé efficace.
  • L’argument de l’autorité. Quand vous souhaitez être suivi dans vos propositions, le fait de vous appuyer sur l’exemplarité d’un personnage de renom, sur le succès d’une entreprise comme modèle, etc., est souvent persuasif.
  • Le dilemme comme argument. Votre adversaire peut tenter de vous confiner dans une voie sans issue. Il commence à vous conduire dans cette impasse qui contient une ou deux solutions. Ces solutions sont examinées sans qu’elles apportent de résultat satisfaisant au problème. C’est alors qu’il présente une troisième solution au moment crucial de la discussion.
  • L’argument reposant sur des interférences. Cet argument implique que l’on passe d’un jugement sur une partie pour l’élargir à tout, ou l’inverse, on attribue des qualités à une partie parce que le tout est remarquable. Par exemple : L’employé d’une entreprise prestigieuse sera considéré comme un personnage émérite. La réputation de l’entreprise rejaillit sur lui, quelle que soit sa valeur réelle. Exemple inverse : vous avez présenté un projet qui n’a pas été retenu. Même si vous admettez qu’il recelait des insuffisances, une de ses parties aurait pu être gardée, parce qu’elle représentait une réponse satisfaisante au problème. Mais elle ne sera pas retenue parce que le projet entier a été rejeté.
  • L’argument des efforts ou des sacrifices. En mettant en avant les sacrifices ou les efforts déjà consentis, votre interlocuteur peut vous persuader de poursuivre votre effort. A l’inverse, il peut décider quelqu’un à entreprendre une action de longue durée en insistant sur la facilité à atteindre la première phase. Il passera sous silence ce qu’implique l’action dans son ensemble et dans le temps. C’est ce que Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois appellent la théorie de l’engagement dans le célèbre « petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens ».
  • L’argument qui passe par les exemples et par la mesure. L’exemple est très utile dans la construction de l’argumentation parce qu’il possède une force d’illustration. L’exemple a souvent charge de preuve dans le débat, il est puissamment évocateur. De nombreuses argumentations reposent sur la mesure d’un résultat escompté.
  • La comparaison comme argument. Le rapprochement imagé sert souvent d’illustration forte pour emporter la conviction. Les chaussures d’un coureur à pied vont par exemple être comparées aux pneus d’une voiture qui s’agrippent à la route ou vice versa (publicité des pneus Pirelli). Un cerveau est comparé à un ordinateur, etc. Le repérage de ces types d’arguments permet de démasquer et d’anticiper les stratégies de l’adversaire. D’autre part, c’est aussi un arsenal à la disposition des individus pour persuader. Il faut également souligner qu’un argument sera efficace s’il s’adresse à un public précis, prêt à le recevoir à un instant « T ». Il s’ensuit qu’un argument dont on espère qu’il « fera mouche » ne doit pas être amené n’importe comment. Il y a une sorte de dramatisation à mettre en place. La venue de cet argument doit être préparée par d’autres arguments subsidiaires.

 

Pour maîtriser la situation, il sera nécessaire :

  • D’avoir en tête le but fixé,
  • D’avoir bien pris la mesure des interlocuteurs,
  • D’avoir jaugé l’instant opportun,
  • D’avoir choisi le lieu le plus adéquat,
  • D’être dans le ton de ce qui précède, tout en apportant sa propre marque,
  • De s’appuyer sur des faits précis, des données chiffrées exactes, des expériences avérées.

 

L’argumentation doit aller « crescendo » :

  • Dans un premier temps, il s’agira de capter l’attention.
  • Le deuxième temps sera celui de l’implication de l’interlocuteur. Il faudra alors plus que jamais entrer dans la pensée de l’autre, le prendre à témoin, lui proposer de mener ensemble la réflexion nécessaire. Il faut affirmer avec insistance, réitérer.

 

L’auditoire ne doit pas avoir envie de revenir sur notre discours. Pour parvenir à ce résultat, nous nous servirons d’expressions positives et surtout très affirmatives qui limitent les prérogatives contestataires, comme par exemple :

  • Il est évident que…,
  • Personne ne peut contester que…,
  • De l’avis général…,
  • Il est assuré que, etc.

 

Il faut aussi s’employer à mettre en valeur le succès attendu de la démarche et sa qualité par des mots comme :

  • Inimitable,
  • Abouti,
  • Réussi,
  • Excellent,
  • Irréprochable, etc.

 

Il faut user et abuser de la répétition.

Même si elle paraît du point de vue du style sans intérêt pour une bonne assimilation de nos propos. Il est possible et indispensable de répéter une idée identique en reformulant ses phrases avec des expressions différentes et en revenant à plusieurs reprises sur des facettes particulières de la même notion, de façon à marquer les esprits.

 

Il faut déjouer la contradiction.

Pour déjouer la contradiction déloyale, il faut battre en brèche, plus ou moins ouvertement, l’argumentation de ses contradicteurs, ou confier cette tâche à un allié. Il sera ensuite possible de présenter une alternative destinée à remporter l’assentiment du plus grand nombre.

Une anticipation du jeu de l’autre est importante, ainsi que la préparation de contre-arguments. Ceux-ci peuvent viser des niveaux différents :

  • Tantôt nous choisirons de nous attaquer à des arguments ponctuels (faits ou chiffres),
  • Tantôt nous attaquerons l’ensemble de la démonstration de la partie adverse. Il s’agira notamment de souligner l’utilisation d’artifices ou de manœuvres déloyales.

Si l’opposant a gommé des aspects importants d’un problème, ou a manifestement caché ou évité d’aborder certains aspects gênants, il faut rectifier ces pratiques. Une argumentation peut sembler très aboutie, mais présenter un décalage avec la réalité, et se fonder sur des faits qui ne sont pas explicitement compris par l’auditoire, mais dont tout un chacun sait qu’ils sont dépassés.

Il faut prouver cet écart pour défaire l’argumentation avancée. Il est possible d’opposer à un argument la même catégorie d’arguments ou bien changer de catégorie : par exemple, à des résultats escomptés portant sur l’accroissement du nombre de patient accueillis, nous opposerons, la nécessité d’améliorer la qualité de leur prise en charge. En tout état de cause, il est impératif de rechercher les défauts de l’argumentation adverse. 

 

Nous contesterons :

  • Une comparaison mal choisie.
  • Le choix de telle référence citée en appui.
  • L’autorité de telle instance s’il y a lieu, en avançant en contrepartie le choix d’une autorité plus qualifiée et acceptée par tous.

 

Pour tenter de restreindre le champ de validité d’une décision, son champ d’application, le champ de compétence d’un adversaire, pour défaire sa démonstration, il faut repérer les procédés de manipulation qu’il emploie :

  • La présentation de deux évènements qui se succèdent dans le temps comme un rapport de causalité, alors qu’ils sont simplement contigus.
  • L’assimilation à une cause ce qui n’est en fait qu’une circonstance.
  • L’allégation d’une cause unique ou caricaturale. Il s’agit là de démontrer que la réalité est plus complexe que la forme restrictive présentée par notre adversaire.
  • Les buts allégués par l’opposant. Il arrive qu’un objectif factice, qui sert d’alibi, soit prôné par un contradicteur parce qu’il sait qu’il sera mieux accepté par l’auditoire. Il s’agira là de révéler le véritable objectif poursuivi et non avoué.
  • L’impression de raisonnement déductif. Un adversaire présentera des arguments comme se déduisant les uns des autres pour échafauder son intervention. Souvent cet aspect déductif n’est qu’apparent, la construction déductive n’est pas réelle.
  • La généralisation. Fréquemment lors de réunions, on pratique des généralisations abusives à partir d’un ou deux faits qui semblent s’enchaîner.

 

Outre ces éléments, il est aussi possible de faire usage de manœuvres plus tactiques :

  • Vous pouvez faire céder des résistances en déclarant que vous n’allez pas parler de tel problème épineux, alors que dans les faits vous êtes déjà en train de le faire en ayant pris la peine de traiter ce problème sous un angle inattendu.
  • Vous pourrez concéder des points de détail, ou des points subalternes, pour pouvoir faire admettre facilement un argument plus crucial.
  • Vous pourrez citer vous-même telle objection qui pourrait être mise en avant par vos opposants pour en fait, l’interpréter et mieux la détourner.
  • Vous pourrez faire mine de revenir en arrière sur des affirmations que vous venez d’énoncer, pour in fine les ré assener de manière plus forte encore que précédemment.

Savoir conclure.

La conclusion a pour objectif de finir de persuader, d’amener l’accord, d’influencer ou d’emporter la décision. Elle doit s’achever sur une définition claire des termes de l’enjeu et sur une recommandation forte et précise. Il est donc impératif de respecter les deux nécessités de la conclusion : récapituler les arguments et tracer les perspectives.

  • Dans la récapitulation, nous devons revenir sur les aspects majeurs développés pour éclairer sur les points forts de notre raisonnement. Il n’est pas question dans cette phase de revenir de façon prolongée sur ce que nous avons déclaré, mais d’en faire apparaître les grands axes.
  • Dans la tâche qui consiste à ouvrir des perspectives nouvelles, nous envisagerons l’avenir et les évolutions possibles de la question traitée. Nous poserons les interrogations qu’elle soulève et nous amorcerons de futurs principes d’action ou de pistes.

 

Il faudra éviter un certain nombre d’erreurs :

  • Terminer à tout prix par une citation,
  • Conclure trop longuement,
  • S’en tenir pour la conclusion à un point de détail.

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