Le préalable à la mise en place d’une démarche qualité vivante : l’engagement et le changement d’approche de la direction !

Le principal moteur du changement est toujours l’équipe dirigeante et plus particulièrement le chef d’établissement, ou le directeur en charge de la qualité. Son engagement est une condition primordiale. On pourrait presque dire que cette condition nécessaire est presque suffisante.

L’engagement dans une démarche d’assurance qualité déstabilise les rôles des uns et des autres, or il est indispensable que l’équipe dirigeante ait des points de vue cohérents sur l’avenir de l’établissement. Il faut donc que la direction se remette en cause, apprenne à mieux se connaître, redécouvre l’humilité, mais aussi la relativité de son action par apport à celle engagée par ses collaborateurs. Mais la remise en cause des pratiques de direction n’est pas évidente. En effet, si les évolutions de mentalités sont certaines, leur traduction dans les faits est beaucoup plus longue à se réaliser.

La solution passe par l’expérimentation. Ce n’est qu’en sortant des sentiers battus que l’on s’ouvre à des perspectives nouvelles.

Une révolution culturelle du rôle du dirigeant pour tendre vers la meilleure certification possible !

La mutation des dirigeants est une nécessité. Roger Fauroux déclarait « J’ai appris à l’usage que déléguer ses pouvoirs, se créer à soi-même des contrepouvoirs en renonçant à tout faire soi-même, même si on est assuré de faire mieux, c’était une manière de rendre hommage à la dignité de mes collaborateurs et en même temps une façon de mieux gérer parce que là, miraculeusement, l’efficacité et l’éthique coïncident. Cela vaut la peine d’en profiter. Je crois qu’abandonner son pouvoir, ne se réserver que les décisions ultimes, c’est à dire les plus difficiles d’ailleurs, et donner du contenu aux fonctions de ses collaborateurs, c’est une attitude qui a du sens. Accepter la contestation, accepter la contradiction, reconnaître qu’on s’est trompé, accepter de changer de route, je l’ai fait en essayant de mettre ma conscience en règle ».

La mise en œuvre de cette démarche entraîne nécessairement une remise en cause du fonctionnement habituel et de la hiérarchie traditionnelle. Le rôle d’encadrement se transforme nécessite de réinventer les relations hiérarchiques.

Pour que l’établissement puisse réussir sa mutation, il est essentiel que ses dirigeants réussissent d’abord la leur, car c’est au plus haut niveau du commandement que le changement doit être engagé, pour guider le reste de l’institution dans un contexte complexe et perturbé, qui efface ou rend inefficace les anciens repères d’une gestion ou d’un management, qu’on peut qualifier d’administratif.

Le responsable aujourd’hui ne peut plus se contenter d’être un donneur d’ordre, il doit favoriser l’émergence des projets, faciliter le développement de ceux qui s’intègrent dans les orientations définies et créer les conditions les plus favorables pour leur réalisation.

Bien sûr, ce changement devra se réaliser lentement, la direction devant inscrire son action dans la durée avec une équipe stable. On passera alors :

  1. D’une logique d’obéissance à une logique de responsabilisation,
  2. D’une logique de l’immobilisme à une logique de mobilisation des personnels,
  3. D’une logique de pouvoir à une logique de compétence.

Le directeur aujourd’hui doit pouvoir anticiper les évolutions et à ce titre repérer les changements à mettre en œuvre en développant ses capacités d’ouvertures. Il doit pouvoir aider ses collaborateurs à progresser dans le chemin tracé.

Il doit surtout se sentir prêt à remettre en question des conceptions, des attitudes et à envisager des modifications dans toutes les pratiques professionnelles, dans les réseaux de communication et d’information, dans le management.

Il s’agit surtout d’accepter une part d’inconnu. Avoir un projet ne suffit pas, celui-ci doit avoir un sens pour tous ceux qu’il concerne. La démarche permettant de la préparer, de le formuler et de le soutenir créera les conditions pour que l’établissement reste durablement en projet.

En fait la vraie liberté de choix et d’action en tant que décideur, est celle d’une soumission délibérée à une finalité collectivement reconnue et foncièrement humaine.  L’instauration des relations de confiance entre les acteurs favorise l’implication dans des projets ambitieux, et permet de vaincre la peur de l’inconnu. La principale qualité d’un responsable manager d’équipe est sa capacité à donner envie à tous ces collaborateurs, d’aller de l’avant en sécurisant et en valorisant.  Le manager de demain ne dirige plus du personnel mais des personnes qui veulent être considérées pour leurs qualités propres et leurs contributions particulières.  Les conditions favorables à l’expression et à l’implication de tous devront être créées en donnant l’exemple de l’écoute, de la réceptivité et de sa disponibilité aux préoccupations de tous les groupes. Aucun outil, aucun organigramme, aucune création de poste, aucun groupe de travail ou autre commission ne pourra remplacer l’investissement personnel du directeur général, du moins durablement.

Prendre l’initiative du changement et anticiper sur les modèles possibles du futur est hautement périlleux, et ne peut se faire qu’avec beaucoup d’humilité.

La cohérence des dirigeants : une obligation

Partager les mêmes références, on le comprend devient une nécessité. Donc si un désaccord de fond au sein d’une direction subsiste, il faut en tirer rapidement et concrètement les conséquences. Toute faiblesse dans ce domaine, se traduisant par un statu quo, débouche inévitablement sur des tensions incompatibles avec la nécessaire cohérence et l’exemplarité de l’équipe de direction.

Faire admettre la notion d’évaluation dès le début de la démarche, est une priorité. La direction doit instaurer un système de gestion qui permettra à tous les niveaux d’avoir une lisibilité de l’action de chacun, et une visibilité de l’avenir. Pour que ce système soit dynamisant, il est important qu’il soit complété par un système de contrôle de gestion, non pas pour contrôler au sens administratif du terme, mais pour permettre à chacun, et à tout moment, de faire la liaison entre l’activité, les objectifs, les moyens et les résultats.

C’est cette vue globale des actions individuelles ou collectives, qui est dynamisante, et qu’il faut retenir d’un tel système de gestion, alors qu’il aurait tendance à effrayer.

Il convient de réaliser immédiatement des changements significatifs. Le changement est d’abord un engagement personnel qui se traduit par des actes. Dans ce domaine il appartient à la direction et aux responsables des services de donner l’exemple, de mettre en mouvement des changements manifestant clairement au personnel que l’établissement est engagé dans une dynamique d’innovation.

Le réajustement permanent est indispensable, faute de quoi toute action risque de n’être qu’une vaine obligation, au mieux inopérante, au pire nuisible. Il s’agira de piloter l’action, en tenant compte des effets sur le milieu où elle exerce en repérant et en appréciant les écarts par rapport aux objectifs à atteindre, et en corrigeant les orientations par des ajustements progressifs.

Engager une telle action nécessite de savoir où l’on veut aller, mais il est rare que l’on puisse y aller directement. Pour reprendre un terme de marine : il faut savoir tirer des bords sans perdre de vue le cap. Trop souvent, quand on parle de management, on se limite à énoncer les techniques et les outils du management, pour instituer une autre forme d’organisation et de fonctionnement. Or, s’occuper des structures, en modifier les contours, instituer des groupes de travail pour élargir l’horizon de chacun, n’est qu’une petite partie, la partie visible de « l’iceberg » management. La partie cachée est celle qui va permettre à la partie visible de fonctionner et de briller. C’est elle qui peut être appelée climat social ou encore attitude et comportement.

Les dirigeants de l’établissement de soins vont avoir un rôle de fertilisateur de ces soubassements de l’édifice. Ils ont à montrer qu’en travaillant le terreau on permet aux racines de se fortifier pour que la fleur puisse être la plus belle et la plus robuste. Ce rôle devrait être au cœur de la mission de tous les cadres.

Mais pour qu’ils puissent en prendre conscience et l’incarner, il ne sert à rien de l’écrire pour l’instituer, c’est l’exemple des dirigeants eux-mêmes qui va être nécessaire. Ils auront à montrer dans leur comportement de tous les jours qu’il est important là encore, de changer de logique.

La hiérarchie se doit d’être au service des professionnels qui eux sont en contact direct avec les patients.

De même les directions fonctionnelles n’ont de sens que par le fait qu’elles rendent service aux directions opérationnelles, qui elles, sont sur le terrain et satisfont les besoins du patient. Les moyens à mettre en œuvre ne sont pas matériels mais de l’ordre d’une nouvelle culture à insuffler pour lier une valeur essentielle dans la santé qui est l’humanisme, à une valeur de notre temps qui est la performance. L’émergence de cette nouvelle culture repose sur une nouvelle conception du management.

Les différents rôles du dirigeant

On l’a vu, le rôle du dirigeant doit évoluer, se diversifier, et cette obligation de mutation est imposée par et pour l’établissement. L’environnement est plus exigeant envers les dirigeants, et ces qualités de gestionnaire et de décision ne suffisent plus à relever les nouveaux défis dont la démarche qualité fait partie.

Le dirigeant devra être à la fois facilitateur, formateur, anticipateur, organisateur et catalyseur :

  • Facilitateur, par le fait qu’il saura lisser les problèmes, et en atténuer les effets sur ses collaborateurs. Une hiérarchie est au service de ceux qui sont au contact du terrain, par le fait qu’il relève de sa responsabilité de donner des repères, des cadres, des références, de clarifier les enjeux pour que les opérationnels puissent investir leur champ d’action, en toute responsabilité avec les vicissitudes du terrain, avec les hauts et les bas qui font partie du parcours quotidien. Les collaborateurs ont besoin d’un dirigeant qui sache dédramatiser, écouter, motiver, faciliter leur action.
  • Formateur, parce que le dirigeant doit expliquer les nouvelles logiques en jeu, et élargir l’horizon de ses collaborateurs pour qu’ils puissent à leur tour, et dans leur champ de compétence, acquérir une vision panoramique de la situation et comprendre les grandes décisions parfois douloureuses comme les restructurations, et en admettre les conséquences.
  • Anticipateur, parce que le dirigeant doit être prêt avant les autres, il doit faire sa propre transition avant de vouloir convaincre ses collaborateurs de la nécessité du changement, pour être capable d’accompagner et d’encourager leur propre mutation.
  • Organisateur, pour commencer à modifier la structure pyramidale de l’établissement en une structure en réseau, ou chaque entité est un centre de responsabilité autonome d’un point de vue de la gestion, mais éminemment complémentaire dans une relation client/fournisseur du point de vue de l’organisation.
  • Catalyseur, pour prendre en compte puis gérer la résistance au changement et le décalage qui existe entre ceux qui portent le projet et sont déjà en marche vers le changement, et ceux qui en ont peur. Savoir décliner les différentes connotations du verbe diriger ne suffit pas, il est indispensable de savoir décliner à la forme active. En effet faciliter, former, anticiper, organiser et encourager doit avoir un sens profond pour mobiliser les hommes, et le dirigeant doit incarner sa mission pour dépasser la fonction classique du directeur. Il doit se forger sa propre philosophie de l’action, prendre conscience des hommes et des structures d’une manière intérieure, pour développer sa vision du cap à atteindre. C’est cette clairvoyance qui va incarner l’élément stabilisateur et mobilisateur de tout l’établissement. Le fruit des groupes de travail est une mine de renseignements pour le directeur, mais aussi un formidable encouragement pour sa propre motivation dans une démarche de changement. Il faut permettre l’expression du non-dit, du fait des cloisonnements professionnels et du poids hiérarchique.

 

La mise en place d’une démarche qualité doit être vécue par les équipes de direction comme une chance stimulante, et non pas comme une contrainte inquiétante et pesante.

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