L’information bénéfice/risque du patient : un préalable au consentement des soins !

De tout temps les médecins ont informé leurs patients sur les actes qu’ils leurs proposaient de prodiguer. Le code de déontologie le précisait clairement. Mais, l’article 11 de la loi du 4 mars 2002 insère dans le Code de la Santé Publique un chapitre intitulé « Information des usagers du système de santé ». L’information du patient sur son état de santé est conçue comme un droit appartenant au patient.

Il porte sur les « investigations, traitements ou actions de prévention proposées, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent, les autres actions possibles et leurs conséquences prévisibles en cas de refus ainsi que sur les risques nouveaux identifiés postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention ».

Le droit à l’information

La loi n’opère pas ici un choix entre une information quantitative (information sur les risques normalement prévisibles) ou qualitative (informations sur les risques graves), mais elle combine plutôt ces deux critères.

Le patient doit être informé des risques soit s’ils sont fréquents, soit s’ils sont graves, et dans ces deux hypothèses s’ils sont normalement prévisibles. Ce qui semble exclure les risques exceptionnels, mêmes s’ils sont graves.

En revanche, s’agissant de risques graves, l’obligation d’information est renforcée en ce qu’ils ne doivent pas nécessairement être fréquents. C’est alors l’état des connaissances, plus que les statistiques, qui doit déterminer la frontière entre l’information obligatoire et celle qui ne l’est pas.

Cette information pèse sur « tous les professionnels de santé dans le cadre de leurs compétences ». Les dérogations à cette obligation visent les situations d’urgence ou l’impossibilité d’informer :

  • La première exception concernant l’urgence n’est pas sans conséquences sur le recueil du consentement du malade,
  • la seconde vise notamment les cas où le malade, hors situation d’urgence, est hors d’état de recevoir cette information.

 

On relèvera que la loi s’inscrit dans un courant qui tend à faire de l’information autant un devoir qu’un droit du patient. En effet, la volonté du patient d’être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, ce qui suppose qu’il se soit expressément manifesté par une déclaration a priori.

Cependant, la protection du patient peut également résulter d’une appréciation par le médecin de la capacité du malade à recevoir l’information, en particulier en cas de pronostic grave.

Formellement, l’information doit avoir lieu lors d’un entretien individuel. Les professionnels de santé ont une obligation de personnalisation de l’information qui respecte la dimension humaine de la relation médicale.

S’agissant de la preuve de la délivrance de l’information, elle pèse sur le professionnel de santé, mais peut être apportée par tous moyens. La loi met ainsi fin à une dérive, d’ailleurs non prise en compte par la jurisprudence, et consistant à la rédaction d’écrits types soumis à la signature du patient qui, d’une part :

  • Ne constitue pas une véritable information,
  • Banalise la relation entre le patient et le praticien.

 

En ce sens le témoignage de l’équipe médicale, ou même les éléments figurant dans le dossier médical comme la nature des entretiens entre le malade et le médecin, pourront utilement fournir des éléments de preuve suffisants.

Le droit à l’information du patient implique également un droit d’accès à l’information. Ainsi, le nouvel article L. 1111-17 du C.S.P. dispose que « Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé ». Les documents visés sont ceux qui « sont formalisés et ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé », à l’exception de celles qui mettent en cause des tiers.

Cette information peut être obtenue directement ou par l’intermédiaire d’un médecin. Ainsi disparaît, dans un souci de totale transparence, les limitations à l’accès direct au dossier médical, alors même qu’elles pouvaient avoir pour objet de protéger le patient.

Le médecin peut recommander au patient la présence d’une tierce personne pour la consultation de certaines informations dont la connaissance serait susceptible de faire courir des risques à ce patient. Mais le texte ajoute que le refus du patient ne fait pas obstacle à la communication des informations.

Le devoir d’information du praticien trouve son fondement dans le principe constitutionnel de la dignité de la personne humaine, qui suppose notamment que le malade puisse donner un consentement libre et éclairé aux soins qui lui sont prodigués. Comme l’a souligné la Cour de cassation, « le praticien qui manque à son obligation d’informer son patient des risques graves inhérents à un acte médical d’investigations ou de soins, prive ce dernier de la possibilité de donner un consentement éclairé à cet acte ».

Ce lien qui unit l’information médicale au principe de la libre disposition de soi explique notamment que la charge de la preuve pèse sur le médecin auquel il revient de démontrer, par tous moyens, que l’information due au malade avant tout acte de prévention, de diagnostic ou de soins lui a bien été délivrée.

Tout manquement à l’obligation d’information préalable au traitement médical d’une personne constitue donc une violation de son droit au consentement libre et éclairé aux soins et porte ainsi atteinte aux principes de l’inviolabilité de la personne et de la libre disposition de soi.

Il est traditionnellement admis que la victime d’un défaut d’information ne peut obtenir aucune réparation lorsque le traitement ou les soins administrés sans son consentement éclairé étaient nécessaires et proportionnés à son état et qu’il n’existait pas d’alternative thérapeutique moins risquée. Le Conseil d’État ne va pas jusqu’à poser un nouveau principe général ouvrant à tout patient mal informé un droit à indemnisation au titre du préjudice moral.

Le consentement aux soins

Le principe du consentement aux soins est sans nul doute le droit le plus important reconnu aux patients. Le nouvel article L. 1111-4 du Code de la santé publique précise que ce pouvoir s’exerce avec le professionnel de santé compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit.

C’est une remise en cause du pouvoir médical qui est ainsi établie, en effet le professionnel de santé ne bénéficie plus que d’un pouvoir de conseil renforcé. La loi affirme que le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix, qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, consentement qui peut d’ailleurs être retiré à tout moment.

S’agissant du refus ou de l’interruption d’un traitement mettant en danger la vie du patient, la loi fait peser sur le médecin une obligation de tout mettre en œuvre pour convaincre le patient d’accepter les soins indispensables.

Par ailleurs, la Cour de cassation a estimé que le médecin n’est pas tenu de réussir à convaincre son patient du danger de l’acte médical, ce qui pourrait être étendu au refus de l’acte médical. L’on peut ainsi estimer que la loi a privé le médecin du choix que lui laissait implicitement le Conseil d’État et lui enjoint de faire prévaloir son obligation de respecter la volonté du patient sur son devoir de sauver la vie…

Plus généralement cette prévalence de la volonté du patient sur toute autre considération prend une dimension particulière lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté. S’agissant des mineurs et des majeurs sous tutelle, la loi prévoit que le consentement de l’intéressé doit être recherché. En revanche, le médecin peut passer outre le refus de traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou le tuteur si le refus est susceptible d’entraîner des conséquences graves pour la santé de l’intéressé. Ces dispositions traduisent le principe selon lequel la représentation doit toujours s’exercer en matière médicale dans l’intérêt du représenté.

Par ailleurs, le nouvel article L. 1111 -5 du C.S.P. précise que, par dérogation à l’article 371-2 du Code civil, le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions à prendre s’agissant de traitements ou d’interventions qui s’imposent et dans le cas où le mineur s’oppose à leur consultation afin de garder le secret sur son état de santé. Le médecin doit s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Si le mineur persiste dans son refus, il doit se faire accompagner d’une personne majeure de son choix. Cette disposition étend le champ d’application des règles édictées s’agissant du recours à un avortement par une jeune femme mineure.

S’agissant des majeurs, la loi précise que « lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance, la famille ou à défaut un de ses proches ait été consulté ».

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