Quelles sont les différentes approches de l’EPP dans la certification des établissements de santé ?

La certification, pose la question de la mesure de la qualité en santé.

Cette question est d’autant plus importante que les établissements de santé doivent apporter la preuve du niveau de qualité de leurs organisations et de leurs prestations dans un contexte de restructuration du paysage hospitalier.

Savoir évaluer la qualité en santé, au sens d’en estimer la valeur, est une attente forte tant des professionnels de santé que des usagers.

 

L’approche par comparaison à un référentiel

Elle a pour objectif de comparer la pratique réelle à un référentiel établit à partir de recommandations professionnelles, de consensus professionnels ou de la réglementation. Il représente la pratique idéale au regard de l’état de la science et de la réglementation.

Ces méthodes utilisent soit un référentiel existant, ou nécessitent sa construction. L’audit clinique d’après l’HAS est « une méthode d’évaluation qui permet à l’aide de critères déterminés de comparer les pratiques de soins à des références admises, en vue de mesurer la qualité de ces pratiques et des résultats de soins, avec l’objectif de les améliorer ».

Cette notion de référentiel est maintenant admise dans le monde de la santé (nous arrivons à la 5ème version…) car les professionnels de santé, soucieux de délivrer des soins appropriés, sont de plus en plus demandeurs de références, et les patients, mieux informés, connaissent l’existence de références, voire de leur contenu.

L’audit clinique est donc une méthode de diagnostic orientée vers l’action et son but est d’améliorer la qualité des soins délivrés aux personnes soignées. La réalisation d’un audit clinique induira souvent des changements dans la pratique des professionnels de santé, qui devront se décliner dans un plan d’amélioration. Le référentiel est constitué d’un ensemble de critères. Ce sont des éléments concrets et observables, permettant de porter un jugement sur la conformité de la pratique ou du thème étudié dans le cadre de son évaluation.

 

Ils peuvent être classés :

  • En critères de ressources s’ils concernent les ressources humaines, matérielles et les organisations,
  • En critères de processus s’ils font référence aux processus de soins, de décision, et à la communication,
  • En critères de résultats qui visent à mesurer les conséquences des processus sur l’évolution clinique ou la situation des patients.

 

Le référentiel choisi doit permettre de porter un jugement valide sur la pratique à évaluer. Pour cela, plusieurs conditions sont à respecter :

  • Il doit être élaboré à partir de documents récents, validés, et s’appuyer en priorité sur la réglementation et les recommandations professionnelles,
  • Les critères doivent être représentatifs de la qualité des soins, et constituent la base de comparaison entre la pratique réelle et la pratique jugée optimale,
  • Ils doivent présenter certaines caractéristiques comme être clairs, explicites. Le nombre optimal de critères se situe entre 10 et 20, il varie toutefois avec la pratique à évaluer (lavage des mains, tenue du dossier du patient…).

 

Enfin, ces critères doivent être :

  • Valides: aptitude à mesurer ce qu’ils sont censés mesurer.
  • Quantifiables: mesurer selon des modalités définies.
  • Fiables: apte à une mesure précise et reproductible.
  • Sensibles: permet de mesurer des variations de faible amplitude.
  • Spécifiques: permet de mesurer une caractéristique à la fois.

 

La méthode permet d’évaluer et d’améliorer pour un service, un pôle ou un établissement la manière :

  • Dont on prend en charge une pathologie:  par exemple évaluation de la prise en charge chirurgicale des lésions mammaires.
  • Dont on réalise un acte de soin: par exemple, évaluation de la qualité de la pose des sondes urinaires.
  • Dont on trace la prise en charge des patients: par exemple évaluation de la tenue du dossier du patient.
  • Dont on gère des situations données: par exemple, la préparation de la sortie du patient.

 

Ces évaluations ont pour objectif de définir les points qui sont conformes aux critères de bonne pratique et d’identifier les besoins d’amélioration, afin de mettre en œuvre les actions d’amélioration correspondantes.

La HAS a décidé de décliner l’audit clinique sous une forme plus efficace et compatible avec l’exercice actuel des équipes. Il s’agit de l’Audit Clinique Ciblé (ACC). Cette méthode, conserve le cycle évaluation, puis actions et enfin mesure de l’amélioration qui doit remplir les objectifs favorisant l’adhésion des professionnels comme les délais réduits de recueil et de traitement des données, la mise en place immédiate d’actions concrètes d’amélioration, et la conduite effectuée par les responsables des unités de soins directement.

 

L’Audit Clinique Ciblé

Les facteurs de réussite relatifs à l’application de l’audit clinique ou de l’ACC consistent à choisir un thème pertinent répondant à une préoccupation réelle des professionnels et pour lequel il existe des références validées, et définir un objectif ciblé sur l’amélioration de la pratique et surtout pas sur l’évaluation des personnes.

Puis il faut monter un groupe de projet réunissant trois types de compétences : expertise sur le thème, connaissances méthodologiques et connaissances de la pratique locale. Il faut nommer un responsable de projet ayant une légitimité professionnelle, et entraîner les cadres des unités de soins et l’ensemble des professionnels concernés par la pratique dans une démarche participative, en démultipliant la méthode au sein de chaque unité de soins, afin que tous s’approprient les principes de l’audit clinique et deviennent les acteurs du changement.

Il faut encore et toujours, obtenir l’engagement explicite de la direction, inscrire le projet dans le programme qualité de l’établissement et définir sans attendre une politique de communication dès la mise en œuvre du projet.

Enfin, il est nécessaire d’impliquer les instances représentatives dans toute évaluation de pratique liée à leurs missions, et ne surtout pas oublier de valoriser l’engagement des professionnels.

 

La revue de pertinence des soins

Il s’agit d’une méthode qui évalue l’adéquation des soins aux besoins des patients, c’est-à-dire le caractère approprié des soins dispensés. La pertinence est évaluée par une méthode d’audit à partir d’une grille de critères spécifiques. Ces critères permettent de porter un jugement sur le caractère justifié ou non des soins étudiés. Elle repose sur une approche par comparaison à un ensemble de critères objectifs, prédéterminés, standardisés et validés.

Si l’un d’entre eux est présent, les soins ou le programme de soins sont alors pertinents. Lorsqu’ aucun critère de la grille n’est retrouvé, il faut rechercher les raisons expliquant la non pertinence des soins ou du programme de soins. La méthode de revue de pertinence des soins est appliquée prioritairement à l’évaluation des admissions et des journées d’hospitalisation.

Des grilles d’évaluation de la pertinence sur des thèmes spécifiques peuvent être développées par les professionnels. Il s’agit d’élaborer des critères permettant de mesurer la pertinence de la réalisation de tel examen ou de telle prescription. Parmi les méthodes développées aux États-Unis pour évaluer le caractère pertinent de l’utilisation des ressources, la méthode sur la pertinence des admissions et des journées d’hospitalisation est celle qui a été la plus traduite et validée dans le monde. La méthode repose sur un outil, l’Appropriateness Evaluation Protocol (AEP) qui pourrait être traduit par protocole d’évaluation de la pertinence.

Dans le cadre d’un projet financé par l’Union Européenne, une version européenne de l’outil en langue anglaise a été testée et validée. Chaque pays a ensuite traduit, testé et validé dans sa propre langue l’AEP. Les résultats des différentes études montrent des taux d’admissions ou de journées d’hospitalisation non pertinentes variant de 10 % à plus de 30 % au regard des critères de la grille. Par conséquent, cette méthode met en évidence un problème identique dans tous les établissements de santé de tous les pays et pour lequel les causes sont assez clairement identifiées dans les différentes études analysées.

Il est nécessaire de faire une distinction entre une hospitalisation pertinente et une hospitalisation justifiée. Une hospitalisation est pertinente lorsque l’admission ou la journée d’hospitalisation répond aux critères explicites de la grille ou à l’avis du médecin. Un patient peut être hospitalisé pour recevoir des soins qui pourraient être délivrés à qualité égale ou supérieure dans un contexte moins coûteux ou en ambulatoire. Mais, la possibilité de soins extrahospitaliers n’a pas été utilisée du fait d’une décision inadéquate des professionnels de santé ou d’un défaut dans l’organisation hospitalière. Dans ce cas, l’utilisation hospitalière est non pertinente et non justifiée. Elle pose le problème d’améliorer la prise de décision ou l’organisation des soins pour mieux faire coïncider les besoins du patient et les structures existantes de prise en charge.

Un deuxième cas est celui où le patient hospitalisé peut recevoir des soins d’un niveau moins technique ou des soins ambulatoires mais pour lequel les structures qui permettraient de répondre à ses besoins n’existent pas à un moment donné. Elles peuvent être simplement indisponibles ou inexistantes dans le système de soins, posant alors des problèmes d’organisation ou de planification. Dans ce cas, l’hospitalisation n’est pas pertinente mais la décision des professionnels est adaptée à l’environnement du système de soins et donc l’hospitalisation est justifiée. Le cas le plus fréquemment rencontré est celui de patient d’un service de court séjour (médecine, chirurgie) qui se trouve dans l’attente d’un lit de moyen séjour (réadaptation, soins de suite) pour y être transféré.

La grille AEP des admissions peut être utilisée dans le service des urgences ou dans tout service ayant des entrées directes non programmées mais aussi à plusieurs niveaux : sur l’ensemble de l’établissement ou sur quelques services ou à l’échelle d’un service. Elle est adaptée à l’activité des services de médecine et de chirurgie en dehors de la chirurgie et de l’anesthésie ambulatoire, de l’hospitalisation de jour et des traitements itératifs de type chimiothérapies, radiothérapies ou dialyses.

La grille AEP des admissions a été traduite et validée en France en 1991 par le Professeur Alain Davido. Elle comprend seize critères divisés en deux parties :

  1. Dix critères liés à l’état de sévérité clinique,
  2. Six critères liés à la délivrance de soins.

 

L’admission est jugée pertinente si l’un des critères de la grille AEP est présent. Si aucun critère n’est présent, un expert peut néanmoins déclarer la journée pertinente, c’est la notion « over-ride » que nous traduisons par avis d’expert. Il s’agit de situations médicales ne nécessitant pas d’intervention immédiate mais devant lesquelles le médecin ne peut prévoir l’évolution à très court terme.

 

L’approche par processus

Elle est au centre de la démarche d’amélioration continue de la qualité. Cette approche permet d’identifier et de comprendre les problèmes de qualité de manière tout à fait directe. Elle permet de travailler sur des prises en charge en étudiant le circuit du patient ou sur des processus transversaux. On peut ainsi étudier les pratiques qui concourent à cette prise en charge, qu’elles soient organisationnelles ou professionnelles.

Le processus peut être segmenté en étapes qui constituent des sous-processus. Plusieurs méthodes sont fondées sur une approche par processus. Dans toutes ces méthodes, il s’agit :

  1. D’identifier le processus sur lequel il est nécessaire de travailler,
  2. Le décrire et identifier les points à améliorer,
  3. Construire un nouveau processus, de le mettre en œuvre et de mesurer les améliorations obtenues.

 

La différence entre ces méthodes réside dans le découpage des étapes et les actions mises en place pour améliorer le processus. Il est décrit dans son fonctionnement habituel par les professionnels concernés. Leur participation permet de valider la démarche et favorise son acceptation. Il est donc absolument nécessaire pour instaurer les changements. Les points forts, les points à améliorer et les dysfonctionnements sont mis en évidence.

Dans cette approche, les références réglementaires et professionnelles sont utilisées dans un second temps, pour compléter l’analyse du processus et préparer les spécifications du processus qui sera modifié. Cette méthode permet une analyse globale d’une activité et met en évidence les interfaces organisationnelles. Cette méthode décrit l’ensemble des tâches et des activités qui concourent au déroulement du processus, de mettre en évidence les étapes critiques et de cibler les pratiques qui nécessitent une évaluation spécifique.

 

Les méthodes spécifiques de la gestion des risques : l’approche par problème

De nombreuses méthodes sont disponibles mais la plus connue est l’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité (AMDEC). Elle a pour objectif d’identifier les défaillances potentielles d’un système, de calculer un score de criticité afin de mettre en place des actions correctives sur celles dont la criticité est importante.

La criticité dépend de la gravité de la défaillance, de sa probabilité de survenue et de sa probabilité de non-détection. L’objectif est d’analyser un problème ou un dysfonctionnement afin de mettre en place des actions évitant sa réapparition. La méthode de résolution de problème permet d’analyser des problèmes complexes et de trouver des solutions qui permettent de les éliminer. Le problème sur lequel on décide d’agir doit être identifié soigneusement. Toutes les causes du problème sont envisagées et analysées.

Cette analyse ne s’arrête que lorsque les causes principales du problème ont été identifiées et prouvées. Les solutions ne doivent être recherchées qu’après identification des causes. Les solutions sont identifiées, testées puis mises en œuvre. La disparition du problème est ensuite confirmée grâce au suivi réalisé.

La revue de mortalité-morbidité (RMM) a pour objectif l’identification et l’analyse d’événements graves ayant entraîné mortalité ou morbidité. La mise en place dans un service, un pôle ou un établissement, de d’une RMM, nécessite qu’au sein de chaque service les professionnels analysent tous les décès survenus dans le service et sélectionnent les événements morbides qui seront également analysés.

L’objectif de ce travail est d’identifier les événements évitables, et de mettre en place des solutions pour éviter qu’ils se reproduisent. Ces analyses se font dans le cadre de réunions spécialement dédiées, au cours desquelles un médecin ayant analysé le dossier le présente.

Lorsqu’il apparaît que la survenue de l’événement était évitable, le groupe doit rechercher les actions à mettre en place pour éviter que cela ne se reproduise. La démarche minimale pour conduire une analyse des évènements mortels ou morbides conduit à se poser les questions suivantes :

  • Qu’est-il arrivé ?
  • Pourquoi cela est-il arrivé, en recherchant les causes immédiates ?
  • Pourquoi cela est-il arrivé, en recherchant les causes profondes ou racines ?
  • Quelles sont les défenses prévues et les préventions ?

 

Les méthodes d’analyse des causes d’un événement indésirable ont pour but une analyse structurée de ces événements, afin d’en identifier les causes immédiates (liées aux pratiques, à des dysfonctionnements organisationnels et aux facteurs humains), et les causes racines (liées au système dans lequel est survenu l’événement, par exemple la communication, la formation, le management, la gestion de l’information, les procédures, l’organisation, les conditions de travail).
L’identification des causes est un préalable à la mise en œuvre des mesures correctives visant à éviter la récurrence de l’événement.

 

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