Mettre en place un système de gestion des risques pérenne !

La réussite de cette politique repose sur le déploiement de la démarche dans les différents secteurs d’activité et l’adhésion des différents professionnels.

Quelle que soit la méthode retenue, et qu’elle soit utilisée pour les risques susceptibles de toucher les patients ou les professionnels, le développement au sein de l’ensemble de l’établissement de santé d’une culture d’identification et de prévention, est un préalable.

L’initiation de la démarche de gestion des risques.

Les recommandations développent les aspects opérationnels d’une démarche de gestion des risques en déclinant les différentes étapes de l’élaboration et de la conduite d’un tel programme. La mise en place de cette politique consiste à affirmer l’importance de la sécurité et à créer une culture de gestion des risques, puis bien sûr, clarifier les responsabilités des différents professionnels, et enfin structurer la démarche et définir des règles institutionnelles.

Développer une politique de gestion des risques consiste, dans un premier temps, à mettre en avant la sécurité dans la conduite de l’institution. Cette affirmation est légitimée au plan de la responsabilité mais aussi de l’éthique. Le rôle des responsables est d’impulser la politique en montrant l’importance donnée à la sécurité, de sensibiliser et convaincre l’ensemble des acteurs et pour cela, d’expliquer le sens et les enjeux de la démarche.

Dans cette perspective, l’exemplarité du management dans son traitement des problèmes de sécurité est un élément déterminant. L’engagement du management en matière de sécurité doit être sans équivoque et se manifester dans ses décisions concernant les différents secteurs de la vie de l’institution (formation, recrutement, investissement).

Cela peut conduire à des arbitrages différents de ceux qu’aurait guidés un raisonnement purement économique et à choisir entre une sécurité accrue et la « productivité » de l’institution. S’engager dans une politique de gestion des risques, c’est d’abord montrer l’importance donnée à la sécurité.

Il faut ensuite établir les responsabilités. La sécurité est dans la plupart des cas une responsabilité directe de la ligne hiérarchique opérationnelle : direction, responsables de secteurs, encadrement, opérateurs.

Les acteurs en charge de l’activité transversale de gestion des risques ont eux aussi une responsabilité sur la conduite et les résultats de cette activité. Il s’agit, cependant, d’une responsabilité indirecte, et non opérationnelle au moment de la réalisation d’un incident ou d’un accident.

La direction et l’encadrement ont une responsabilité vis-à-vis des activités mises en œuvre.

L’application de la réglementation et des procédures définies dans l’institution fait partie de cette responsabilité. La clarification des responsabilités consiste aussi à définir le rôle de chacun, ce qui doit se faire dans le respect des compétences individuelles.

Certaines activités requièrent des compétences adaptées. Des activités peuvent être déléguées mais doivent dans ce cas être effectuées sous la supervision d’un responsable s’assurant des bonnes conditions de réalisation.

Des procédures d’organisation, des organigrammes, des fiches de fonction et de postes permettent de définir les missions de chacun, ce qui contribue à préciser les responsabilités et limiter les « zones d’incertitudes ». La pratique choisie suivant le cas par le professionnel résulte de l’analyse de la situation et de ses contraintes (urgence, effectifs et équipements disponibles), de la pratique idéale et de sa propre expertise.

Dans la plupart des situations de travail, l’atteinte d’une performance considérée comme « acceptable » (par soi, ses pairs, et ses supérieurs hiérarchiques) laisse une certaine latitude au professionnel. Il est important que chacun prenne conscience des risques liés aux écarts qu’il décide par rapport à la bonne pratique, et fasse un travail personnel pour se mobiliser par rapport au risque (regard sur ses propres compétences, attitude active dans le retour d’expérience).

Ces responsabilités concernent aussi et surtout, les actions quotidiennes comme :

  • Appliquer et respecter les règles de fonctionnement de son secteur et de l’institution,
  • Disposer de la compétence et des moyens de réaliser, en toute sécurité, l’activité dans laquelle on s’engage,
  • Connaître sa responsabilité en tant que professionnel vis-à-vis des gestes et des actes réalisés ou prescrits.

Bien évidemment, ces responsabilités concernent les actions de gestion des risques censées être connues des professionnels :

  • Savoir reconnaître les situations dangereuses,
  • Les signaler rapidement aux personnes responsables des situations à risque,
  • Se préparer à la récupération des incidents et accidents,
  • Participer aux différentes activités d’identification et d’analyse des risques,
  • Prendre connaissance du programme de gestion des risques propre à son secteur (documents, formation, participation aux réunions),
  • Mais surtout mettre en œuvre les modifications de pratiques établies au sein de l’institution ou du secteur d’activité.

Une préoccupation collective afin d’organiser la transparence et la recherche des causes.

Dans ses principes et dans ses méthodes, la gestion des risques s’appuie sur la déclaration et l’analyse des accidents ou incidents pour éviter qu’ils ne se renouvellent. La gestion des risques suppose de pouvoir identifier et analyser des situations qui intègrent des défaillances humaines. Ces erreurs concernent à la fois :

  • Les pratiques des professionnels de « première ligne » ayant généré directement un incident ou un accident,
  • L’organisation d’une activité et le management qui a mis en place les éléments permettant ou favorisant un accident ou un incident.

De ce fait, elle met en exergue la défaillance humaine et expose les acteurs à une éventuelle mise en cause de leur responsabilité professionnelle. Elle expose également au jugement des autres professionnels de l’institution. C’est ce sur quoi le management doit lutter de toute ses forces pour éradiquer ce sentiment de culpabilité ou de délation qui perdure.

Afin d’atteindre l’objectif d’implication des professionnels à la mise en place d’un système de déclaration et d’analyse des événements, une réflexion doit être engagée entre les différents partenaires de l’établissement permettant d’aboutir à un consensus acceptable par tous et à des règles claires concernant les modalités de traitement de l’information et le régime disciplinaire adéquat.

L’identification de ces situations et leur analyse supposent la création de conditions propices. Tout d’abord, et c’est probablement le plus important et le plus délicat à garantir en cas d’enquête nécessaire pour la compréhension de l’accident, un circuit d’information permettant de garantir la confidentialité.

Il est, en effet, important de pouvoir garantir la confidentialité des informations recueillies et de limiter la divulgation de l’identité des acteurs impliqués au strict besoin de fonctionnement du système.

L’importance de cette confidentialité varie bien entendu en fonction des situations. La confidentialité peut également dans certains cas, être souhaitable vis-à-vis de la hiérarchie. Cette confidentialité n’exclut pas l’utilisation de la situation de manière anonyme à des fins d’alerte ou dans un but pédagogique.

Lorsqu’il s’agit d’un événement ayant porté atteinte à un patient (décès, préjudice), la confidentialité ne doit pas empêcher l’information du patient ou de sa famille et la transmission des informations au responsable de l’établissement dans une perspective d’indemnisation ou de gestion de la responsabilité.

Vient ensuite, le climat de confiance établi par l’absence de jugement. Le traitement de l’information sur les risques, conduit des acteurs de l’institution à partager l’information nécessaire à l’analyse des défaillances. Il est important d’envisager cette analyse avec une absence de jugement vis-à-vis des professionnels en cause. Il s’agit là d’un élément culturel essentiel au développement et à la pérennisation de la démarche. L’amélioration de la qualité est notamment fondée sur le fait que les défaillances et les non-conformités peuvent être une source inestimable d’information et de progrès.

Il faut donc développer une culture positive et non punitive de l’erreur, et ne plus l’occulter, car sa négation ne la supprime pas mais l’aggrave en la privant des possibilités de prévention. Cela implique de dissocier les notions d’erreur et de faute.

Enfin, les règles institutionnelles doivent être claires sur les suites disciplinaires en cas de déclaration spontanée d’événement. Il est donc primordial de définir de manière consensuelle ce qui correspond à un comportement acceptable au regard du contexte et ce qui doit être considéré comme une faute. Ces principes doivent notamment s’appliquer aux dispositifs qui constituent des espaces de dialogue sur les risques afin que la qualité des échanges permette la compréhension des situations réelles.

Coordonner la structuration de cette démarche.

En effet, pour mettre en place, conduire et suivre la politique, un pilotage et une coordination sont à organiser. Plusieurs modalités sont possibles en fonction du type d’établissement et de ses choix d’organisation.

Le pilotage pourra être assuré selon les cas :

  • Par le comité de direction,
  • Par une structure de pilotage dédie à la gestion des risques.

La coordination pourra être assurée :

  • Par un responsable en charge de la fonction gestion des risques,
  • Par un service de gestion des risques,
  • Par une cellule opérationnelle.

Dans tous les cas, la structure de coordination est rattachée directement à la Direction Générale. La mise en place d’un dispositif de gestion des risques nécessite de disposer au sein de l’établissement de compétences spécifiques. Autour du responsable du programme, compétent en gestion des risques, et en fonction de la taille de l’institution, un personnel formé est réuni.

Les moyens humains sont bien sûr dimensionnés selon la taille de l’établissement. L’affectation de ceux-ci peut-être progressive en raison de l’effort financier que cela représente et pour permettre la formation des personnes.

La présence de ces compétences est nécessaire :

  • Pour bâtir une stratégie de gestion des risques cohérente,
  • Mettre en place une organisation qui respecte les principes de confidentialité et d’absence de jugement,
  • Bâtir une démarche et sélectionner les méthodes pertinentes qui serviront :
    • A l’identification des risques,
    • A l’analyse des risques,
    • A leur diffusion dans tous les secteurs,
    • A la formation des différents acteurs,
    • A l’animation du système mis en place.

Les risques variant avec la typologie du secteur d’activité considéré, il est nécessaire d’adapter les actions de gestion des risques aux caractéristiques du secteur. Les établissements doivent donc mettre en place une cartographie des risques sur les processus directement liés à la prise en charge directe et indirecte des patients (Exemple : maternité, urgences, réanimation, bloc opératoire, imagerie, laboratoire, etc.)

Le rôle de l’encadrement de proximité est primordial dans cette tâche. Outre la définition des responsabilités qui est essentielle, plusieurs actions permettent de déployer la démarche : tout d’abord, une démarche « a priori » comportant :

  • Une étude de la conformité à la réglementation,
  • L’analyse de l’organisation,
  • L’exploitation des sources d’information sur les risques,
  • Une analyse des processus clés du secteur d’activité permettant d’identifier les dysfonctionnements potentiels et les risques.
  • Une veille sur les événements survenant dans le secteur d’activité par l’analyse des dysfonctionnements constatés,
  • La mise en place de mesures de réduction des risques.

La recherche des solutions est, selon les cas, du ressort du secteur d’activité ou nécessite de se placer au niveau de l’institution. Les solutions consistent à définir la manière selon laquelle les pratiques doivent être réalisées et les conditions de leur réalisation. L’amélioration de la sécurité d’une activité peut passer par l’amélioration de l’organisation ou des pratiques, ce qui s’accompagne de la réalisation ou de la mise à jour des procédures.

La construction de nouvelles procédures intègre la réflexion sur la mise en place de « défenses en profondeur » et sur les mécanismes de récupération lorsque l’erreur survient ou que le risque se réalise, théorisé par James Reason.

En effet, pour être efficace, la procédure doit être construite en impliquant les professionnels concernés et sa mise en place doit s’accompagner d’une information ou d’une formation. Le rôle de l’encadrement du service ou du pôle est déterminant pour la mise en place de cette démarche. Il doit être convaincu de l’intérêt d’animer cette démarche et avoir une vision des résultats escomptés. La mise en place de cette démarche suppose un investissement en temps de l’encadrement qui doit initier et maintenir ces pratiques, diffuser et inculquer cette culture en assurant un climat d’échange et de confiance.

Articles liés