La gestion des risques avec la culpabilité en moins !

« Tous les pays du monde ont les mêmes chiffres. Près de 10 % des hospitalisations sont dues à un effet médical indésirable. Un EIG survient tous les cinq jours dans un service de trente lits. Et il y a autant de morts dus à une hospitalisation que de morts sur les routes. Il y a du travail à faire, c’est pourquoi la HAS a décidé de mettre le cap sur la sécurité du soin » déclarait Laurent Degos en 2006 lorsqu’il était directeur de l’HAS.

Les établissements de santé, sont fréquemment confrontés à la notion de risque. Pour faire face à la maladie, ils mettent en place différentes actions afin d’apporter les bénéfices attendus par les patients. Le bénéfice attendu est la justification de l’action entreprise.

Cependant, celle-ci peut avoir une conséquence qui potentiellement négative, accompagnant la recherche de bénéfice, constitue le risque. Si les avancées scientifiques et technologiques ont permis des progrès considérables dans la prise en charge des pathologies, ce gain d’efficacité s’est accompagné de l’apparition de nouveaux risques. Dans les établissements de santé, de nombreuses démarches, qu’elles soient d’origine professionnelle, managériale ou réglementaire, visent à maîtriser les différents risques identifiés. Elles sont le plus souvent conçues de manière thématique (risque incendie, malveillance, risque médicamenteux, nosocomial et transfusionnel, risque pour le personnel, et.).

De plus, les acteurs sont multiples : gestionnaires, soignants, médecins, ingénieurs, service juridique, médecine du travail, CHSCT, organismes d’inspection. L’évaluation des pratiques professionnelles, la démarche qualité, la certification, les vigilances sanitaires, les démarches thématiques sur certains risques sont des démarches qui visent à améliorer la qualité des soins et qui prennent en compte l’aspect sécurité de manière prioritaire.

Cette approche des différents risques hospitaliers a conduit à une gestion des risques éclatée et l’absence d’une vision globale rendant la maîtrise plus difficile. La gestion des risques vise à les réduire. Toutes les règlementations (trop ?) conduisent bon nombre d’établissements à se considérer comme « harcelés textuellement », et les obligent cependant dans tous ces champs à mettre en place les mesures de prévention et de maîtrise.

Le risque dans le secteur de la santé est tout d’abord hétérogène, et on relève une variabilité des pratiques avec une standardisation minimale. S’en suit une activité à forte composante humaine avec des possibilités d’automatisation limitées, et surtout de l’imbrication de trois sources de risque pour le patient :

  • Sa pathologie,
  • Une erreur dans la décision médicale,
  • Un défaut dans sa mise en œuvre.

Enfin, une contrainte de service 24 h/24 avec la difficulté de maintenir la même disponibilité de ressources nécessaires au patient quel que soit le moment de la journée. L’établissement a aussi une difficulté pour réguler les flux de patients, du fait de la part d’activité non programmée. Pour finir, et les établissements y sont de plus en plus sensibilisés, un transfert de tâches entre catégories professionnelles lié au manque d’effectif peut entraîner un glissement de tâches vers des personnels n’ayant pas les qualifications requise.

La notion de Gestion des Risques

Pour commencer, il est nécessaire de préciser les principales sources juridiques de la gestion des risques. En effet, la Circulaire DHOS/E 2/E 4 n° 2004- 176 du 29 mars 2004 relative aux recommandations pour la mise en place d’un programme de gestion des risques dans les établissements de santé  est particulièrement explicite sur les obligations des établissements de santé dans ce domaine. Elle précise que le champ des risques dans un établissement de santé est vaste : risques spécifiques aux établissements de santé liés aux activités médicales et de soins, risques communs à toutes les organisations comme les risques techniques, environnementaux mais aussi informatiques, sociaux, financiers, etc.

Si la démarche de gestion de risques :

  • Identification,
  • Analyse,
  • Hiérarchisation,
  • Elaboration et mise en œuvre de plan d’action,
  • Suivi et évaluation,

est identique quel que soit le risque considéré, les recommandations s’attachent surtout au management des risques :

  • Cliniques,
  • Techniques,
  • Environnementaux,

dès lors qu’ils mettent en jeu la sécurité des patients, des personnels et la continuité des soins.

L’obligation faite aux établissements de santé par les ordonnances Juppé du 24 avril 1996 de s’engager dans des démarches d’amélioration de la qualité et de la sécurité a conduit à des progrès importants dans la maîtrise sectorielle de certains risques, comme les risques liés aux produits de santé, aux infections nosocomiales ou à l’incendie.

Cependant, des efforts importants restent à faire. En effet, la prévention des événements indésirables graves liés aux soins est devenue, ces dernières années, un enjeu de santé publique. Les recommandations accompagnant cette circulaire sont proposées comme outil de mise en œuvre d’un programme de gestion des risques dans les établissements de santé. C’est pourquoi le premier pas essentiel dans la démarche cette gestion est l’identification des risques.

Le risque est la probabilité de la survenue d’un problème, au sein d’une population déterminée, située dans un environnement dangereux, pendant une période donnée. La méthode la plus utilisée est celle des fiches de signalements qui permettent la centralisation de l’information sur les évènements indésirables qui se sont produits, ou qui ont failli se réaliser. Le personnel acteur ou témoin d’un événement qui n’aurait pas dû se produire, le signale par écrit et de manière nominative sur un support papier ou informatique. Ce support ne fait pas partie du dossier du malade. C’est un outil de travail interne à l’établissement. Sans un exposé clair des motifs et des conséquences, le signalement risque d’être confondu avec de la délation : J’accuse ou je m’accuse de quelque chose que j’ai vu ou que je n’aurais pas dû faire. Ce point très sensible doit être pris en compte et anticipé. L’identification est suivie de la mesure. Savoir si cela se produit, combien de fois par mois et avec quelles conséquences. La réponse à ces questions élémentaires passe par le signalement et donc par un abandon de la loi du silence qui couvre le plus souvent ce genre de situation. Le personnel doit savoir qu’il n’encoure pas de sanctions et que la démarche est effectuée pour prévenir.

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