Les conséquences de la Certification sur la responsabilité des établissements de santé et des Agences Régionales de Santé

Oui, une ARS pourrait être mise en cause en cas de dysfonctionnements constatés dans un établissement de santé par la HAS ! Cela peut paraitre une hypothèse théorique, mais lisez plutôt la suite…

« Les établissements de santé et les professionnels sont aujourd’hui soumis à une obligation de maîtrise des risques pouvant aller jusqu’à l’obligation de résultat, à un devoir d’information sur les risques et de transparence sur les évènements indésirables intervenus, Ils doivent s’adapter à ces nouvelles exigences pour réduire le risque sanitaire et le risque juridique ». Précisait déjà en 1999 Alain Coulomb directeur de l’ANAES. C’était il y a 20 ans… mais dans certains établissements de santé, souvent par manque de moyens humains (invoqués), plus précisément de temps à consacrer, certains professionnels ne semblent pas avoir pris la mesure des « bienfaits complémentaires » d’une culture de la qualité et gestion des risques en vue de limiter la responsabilité des établissements.

Les évolutions récentes de l’environnement des établissements de santé modifient profondément les attentes des usagers mais aussi du juge, vis-à-vis de la maîtrise des risques par les établissements et les professionnels de santé.

La diminution de l’acceptabilité des risques par la société a conduit à des évolutions législatives réglementaires et jurisprudentielles modifiant en profondeur le contexte de la délivrance des soins. Ces évolutions visent à accroître la sécurité des usagers et des professionnels de santé.

Le Conseil d’Etat s’interrogeait, dans son rapport annuel de 1998 relatif au droit de la santé, sur la portée juridique de l’accréditation et précisait : « il est néanmoins permis de se demander si l’existence même d’un rapport d’accréditation qui, par hypothèse, porterait une appréciation négative sur les conditions de fonctionnement d’un service hospitalier, et qui n’aurait été suivie d’aucune mesure corrective des insuffisances ou dysfonctionnements dénoncés, ne serait pas de nature à intervenir dans l’appréciation du juge sur les responsabilités encourues en cas d’incident. Une telle conjecture devrait encourager les pouvoirs publics à entreprendre les restructurations hospitalières nécessaires à l’obtention d’un niveau de sécurité satisfaisant ».

Les juges utiliseront très probablement le manuel de certification comme un élément de fait destiné à apprécier le bon fonctionnement et la bonne organisation du service d’un établissement de santé. A titre de comparaison, le juge administratif utilise déjà les conférences de consensus comme des éléments de fait permettant d’apprécier si un acte médical a bien été réalisé conformément aux règles de l’art.

On peut alors supposer que les référentiels utilisés par l’ANAES, puis par la HAS pour établir un rapport de certification avec recommandations, correspondent à certaines dispositions juridiques opposables. Dès lors, il est possible de s’interroger sur le caractère probatoire d’un tel rapport qui constaterait des dysfonctionnements. Un rapport de certification « défavorable » constitue certainement une source d’information précieuse pour le juge saisi d’un contentieux en responsabilité.

Il est important de rappeler que le profil des experts-visiteurs ne peut prêter le flanc à la polémique, comme ce fut parfois le cas pour certains médecins contrôleurs, ou contrôleurs administratifs des tutelles dont la venue était ouvertement « téléguidée » à des fins indirectes de planification.

La responsabilité des institutions publiques et leurs attributions en matière de surveillance

« Qui peut et n’empêche, pêche » affirmait Antoine Loysel.

Après avoir envisagé les différentes responsabilités des établissements publics et privés de santé (cf. le blog d’Adéquation santé), il est intéressant de démontrer qu’il est possible de mettre en cause la responsabilité des Agences Régionales de santé, ainsi que de leurs dirigeants, dans le cadre d’une procédure de certification qui aurait mis en évidence des dysfonctionnements. En tant que personne morale l’ARS peut théoriquement faire l’objet de poursuite pénale c’est pourquoi il faut s’interroger
sur ses prérogatives et missions.

La responsabilité des Agences Régionales de Santé et de leurs directeurs

Chacun des directeurs d’ARS a le pouvoir de suspendre l’activité des services hospitaliers qu’il juge dangereux pour les patients. L’article L. 6122-13 du CSP dispose : « En cas d’urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel ou lorsqu’il n’a pas été satisfait, dans le délai fixé, à l’injonction, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer la suspension immédiate, totale ou partielle, de l’autorisation de l’activité de soins concernée ou l’interruption immédiate du fonctionnement des moyens techniques de toute nature nécessaires à la dispensation des soins. S’il est constaté au terme de ce délai qu’il a été satisfait à la mise en demeure, le directeur général de l’agence régionale met fin à la suspension. Dans le cas contraire et après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie compétente pour le secteur sanitaire, le directeur général de l’agence régionale de santé se prononce alors à titre définitif, soit sur le maintien de la suspension jusqu’à l’achèvement des mesures prévues, soit sur le retrait de l’autorisation ou sur la modification de son contenu ».

Qui est responsable, en dehors de l’établissement lui-même, lorsqu’un établissement ne fonctionne pas de manière satisfaisante sur le plan de la sécurité ?

L’hypothèse de la mise en cause de la responsabilité d’une ARS ou de l’état en tant qu’autorité de contrôle demeure plausible parce que la jurisprudence admet la sanction, pour faute simple, de l’administration lorsque celle-ci a usé avec retard de ses pouvoirs de police, de contrôle et de réglementation.

Les directeurs d’établissements pourraient trouver dans cette situation un argument supplémentaire pour convaincre les ARS de la nécessité d’allouer aux établissements de santé les moyens nécessaires à la bonne exécution de leurs missions de service et de santé publics.

Si elles ne peuvent allouer de moyens supplémentaires, les ARS doivent pouvoir diligenter des contrôles supplémentaires, tout en reconnaissant que pour des raisons de santé publique, ils ne peuvent être entrepris de façon systématique.

Articles liés